Terreur dans l'hexagone, une guerre a commencé

Une actualité brûlante

 

Chercheur renommé, Gilles Kepel s’est bâti en 25 ans une stature éditoriale. Avec des ouvrages comme Banlieues de l’Islam, djihad, Fitna ou 93, il est devenu un des experts de l’Islam en France (avec Jean-Pierre Filiu ou Olivier Roy, baptisés désormais « islamologues »). Chacun de ses ouvrages est analysé, disséqué par les milieux intellectuels et les journalistes. Aujourd’hui cependant, la situation a changé. Les attentats en France et en Belgique inquiètent et angoissent. On se tourne donc vers des intellectuels comme Kepel pour connaître leur avis et, qui sait ? pour être rassurés. Mais Terreur dans l’hexagone, chers lecteurs, n’est pas fait pour rassurer.

 

Le terreau fertile du terrorisme ?

 

Dix ans séparent les émeutes de 2005 des attentats commis en 2015 (tuerie de Charlie Hebdo, la prise d’otages de l’hypercasher et le massacre du Bataclan) et pour Kepel, ce sont dix ans de perdus. Dans les mois qui ont suivi les émeutes, aucun commentateur ne releva que point de départ des évènements ne fut pas l’électrocution des deux enfants mais le moment où les policiers jetèrent des grenades lacrymogènes dans une mosquée… L’élection de Sarkozy deux ans après fut vécu comme une trahison par un électorat « musulman » tiraillé entre sa fidélité à la gauche (datant de la marche des beurs) et son conservatisme religieux. Parallèlement s’est développé une « djihadosphère » sur le net, ferment d’une radicalisation chez les jeunes, surtout chez les convertis. Car, contrairement aux auteurs des attentats de 1995 et 1996, ce sont bien des français (on ne le répétera jamais assez) qui ont massacré les dessinateurs de Charlie Hebdo et les spectateurs du Bataclan. Pourquoi ? Parce que La République a laissé les imams les plus conservateurs prêcher auprès d’une jeunesse perdue, sans repères….

 

Entre la Syrie et la France

 

La guerre civile en Syrie a donné un champ d’action aux futurs djihadistes assoiffées d’actions d’éclats. Un millier de français sont allés là-bas, incités par les prêcheurs du net et des dizaines de vidéos (on ne dira jamais assez combien le djihadiste moyen maîtrise les nouvelles technologies). Gilles Kepel montre aussi combien ces jeunes sont fanatisés avec des discours plus que simplistes, en français, afin de leur démontrer combien leur pays natal ne veut pas d’eux, déteste l’Islam. Jusqu’ici, ça a marché. Ce livre brillant s’arrête au moment où le lecteur angoissé se pose la question suivante : et maintenant que fait-on ? Une chose est sûre : rien ne sera plus comme avant.

 

 

Sylvain Bonnet

 

Gilles Kepel (avec Antoine Jardin), Terreur dans l’hexagone, Gallimard, décembre 2015, 352 pages, 21 €

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