R.J. Ellory, Les Anges de New York : examen de conscience

« - C’est juste une impression.

- Vous ne faites pas confiance à vos impressions ?

- En tant que flic, pas vraiment. On parle d’instinct, d’intuition, bien sûr, mais je n’accorde pas beaucoup de foi à tout ça.

- Peut-être que vous devriez.

- Il y a un paquet de choses que je devrais faire, et me fier à mon intuition est quelque part en bas de la liste. Je l’ai déjà fait, et çam’a valu des ennuis. »

 

New York police blues

 

Frank Parrish, inspecteur de la police de New York, va mal. Divorcé, alcoolique, il vient de surcroit de perdre son partenaire, Michael Vale. Ayant trop tendance à s’affranchir des règles, on l’a mis l’épreuve et retiré son permis de conduire : à la prochaine incartade, c’est la porte. Obligé de voir une psychiatre, il commence par adopter un comportement très agressif à son égard ; puis il se met à parler de son père et du passé...

 

Pour toute la police de New York, John Parrish, mort en 1992, est une légende à laquelle Frank est systématiquement comparé. Or, lui connaît la véritable histoire de son père et de l’unité anti-criminalité organisée dont il faisait partie, les anges de New York. Frank raconte tout à Marie - la psy -de la corruption de son père. Parallèlement, on lui affecte un nouveau partenaire, Jimmy Radick, avec qui il commence une enquête sur des meurtres de jeunes filles. Frank s’implique, redevient le brillant enquêteur qu’il a été. Pour lui, elles ont été tuées par le même homme, un tueur en série travaillant vraisemblablement au service de l’aide sociale. Pour mettre la main sur lui, Frank va de nouveau violer les règles et franchir la ligne rouge…

 

Un ouvrage majeur, influencé par le cinéma

 

Avec les Anges de New York, R.J. Ellory frappe un grand coup. Pour une fois, la 4ème de couverture dit vrai : on retrouve l’ambiance des films de Sydney Lumet - Serpico, le Prince de New York -, de James Gray - La nuit nous appartient - mais aussi de certains Scorsese -Taxi Driver, A tombeau ouvert. Le personnage de Frank Parrish partage avec les héros de Scorsese la culpabilité et la recherche de la rédemption, sans parler de la place de la religion catholique : Frank a ainsi une relation très forte avec le père Briley, confesseur et détenteur des secrets de son père. La parenté avec Scorsese est aussi frappante dans les passages de nuit où l’errance existentielle du personnage rappelle un peu de celle de Travis Bickle dans son taxi ou de l’ambulancier Frank (tiens…) Pierce dans A tombeau ouvert.

 

Remarquons aussi la polysémie générée par l’emploi du terme « ange » : Ellory utilise ce vocable pour désigner de manière sarcastique l’unité du père de Parrish ; il s’agit aussi de ces filles que Frank veut venger, toutes victimes de ce tueur en série - sans parler de sa propre fille. Mais Parrish, lui, n’est pas un ange et R.J. Ellory, partisan d’un réalisme froid et noir dans son style d’écriture, dissèque impitoyablement, au scalpel, la vie et les travers de Frank Parrish, de la même manière que ce dernier analyse la personnalité de son principal suspect, Mc Kee, afin de le pousser à commettre des erreurs et qu’il puisse l’arrêter.

 

Au final, un livre qui glace, une exploration à coups de lames de rasoir des blessures d’un homme brisé par son père - qui ne le souhaitait pas -, mais clairement un chef d’œuvre du polar. R.J. Ellory fait désormais partie de ces auteurs à suivre, avec lequel il faudra compter.

 

 

Sylvain Bonnet

 

R.J. Ellory, Les Anges de New York, traduit de l’anglais (US) par Fabrice Pointau, Sonatine, mars 2012, 554 pages, 22,30 €

1 commentaire

Bel article, même si je suis sûr qu'Ellory aurait dit mieux dans Amazon...