"Les Neuf Cercles" l'enfer du Sud selon R. J. Ellory

Ellory a l'art de mêler les intrigues les plus sombres à l'histoire contemporaine de l'Amérique. Dans Les Neuf Cercles, il s'attaque aux traumatisme d'anciens combattants sur fond d'enquête policière : un corps qui resurgit vingt ans après dans la vase d'une rivière de Louisiane, en 1974, avec ses traditions occultes toujours présentes et un vaudou qui n'est jamais loin. Le Sud glauque et secret, à lui seul sujet de nombreux récits, qu'on retrouve aussi bien chez Faulkner que chez James Lee Burke. Mais alors qu'Ellory est un maître quand il traite de complots politiques, on le sent ici moins dans son élément... 

"C'est abominable, John. Qu'est-ce que c'est que ce bazar ? Une gamine de 16 ans, un meurtre vieux de vingt ans, un serpent à la place du coeur, nom de Dieu...
- je ne sais pas, Bob... Je ne sais même pas si j'ai envie de savoir.
- Bien sûr que si. C'est pour ça que vous faîtes ce boulot. C'est pour ça qu'on fait tous ce qu'on fait... pour connaître les réponses à ce genre de saloperies."

Le corps d'une adolescente est extrait de la rivière, intacte après 20 ans immergée dans la vase. A la place du coeur, un serpent se mordant la queue. L'enquête mène John Gaines, vétéran du Vietnam, et shérif presque par accident, a rencontrer l'amoureux d'alors de cette jeune fille si angélique... amoureux devenu quasi ermite et passablement dérangé, vétéran de la Deuxième Guerre Mondiale... Deux traumatisés qui vont s'affronter dans un Sud trop peu épais en lui-même pour faire ce "troisième homme" qu'on pourrait espérer. A défaut, les deux personnages sont vraiment très présents, notamment Gaines qui porte en  lui tous les drames et toutes les souffrances accumulés alors qu'il vivait l'enfer au Vietnam, épisodes qui reviennent sous forme de flash-back qui ponctuent le récit.

Malheureusement, tout le soin et toute les qualités de Ellory ne font pas de ces Neuf cercles un grand roman, surtout parce qu'il est lent, les phrases ont l'air de revenir plusieurs fois sur les mêmes idées, comme s'il délayait son propos ou ne savait pas comment avancer tout à fait sans faire quelques pas de côté... C'est surtout cette impression de lenteur et de répétitions qui nuisent au rythme de lecture, et qui empêche le lecteur de s'abandonner tout à fait.

Pour une plongée dans la noirceur de l'âme humaine, on préférera lire James Lee Burke, dont le Sud est plus prégnant, ou revoir Voyage au bout de l'enfer de Michael Cimino pour les démons du Vietnam. Ellory passe un peu à côté de l'Enfer promis... 


Loïc Di Stefano

R. J. Ellory, Les Neuf Cercles, traduit de langlais (USA) par Fabrice Pointeau, Sonatines, 450 pages, 22 eur
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