"Trafalgar", pourquoi les français n'aiment pas la mer
Marin et historien
Contre-Amiral, Remi Monaque est aussi historien de la marine de l’époque de Napoléon : on lui doit particulièrement une excellente biographie de Latouche-Treville, amiral français talentueux qui aurait pu commander la flotte à Trafalgar (l’issue aurait alors pu être différente mais on ne fait pas l’histoire avec des si…). Il donne à la collection « L’histoire en batailles » un ouvrage sur la fameuse bataille qui offrit la suprématie maritime aux anglais pour plus d’un siècle. Et mine de rien, les raisons de la victoire anglaise apparaissent au final assez évidentes.
Supériorité anglaise
Depuis le règne de Louis XIV, la flotte française souffre d’un complexe d’infériorité par rapport à sa rivale anglaise qu’elle n’a qu’en partie comblée lors des combats de la guerre d’indépendance américaine (1779-83). La Révolution enlève à la France nombre de ses officiers de marine, d’origine noble et qui préfèrent émigrer plutôt que de servir la République. Quant à ses équipages, ils sont décimés par des campagnes désastreuses, comme celle d’Egypte et manquent parfois d’entraînement. Mais la qualité de l’encadrement et des équipages n’explique pas entièrement la réussite anglaise.
Soldat et général talentueux, Napoléon veut tout contrôler et ne laisse aucune marge d’appréciation à ses amiraux. En effet, il n’existe pas en France une structure autonome comme l’amirauté anglaise qui laisserait à ses commandants la possibilité d’improviser. Si le talent de Latouche-Tréville inspirait du respect à l’Empereur, il meurt en 1804 et c’est Villeneuve le remplace, à regret. S’il ne manque pas d’intelligence ou de lucidité, Villeneuve a intériorisé la supériorité navale anglaise et se montre pusillanime, au point de refuser le combat plusieurs fois. A bien des égards, Trafalgar lui est imposé par Nelson, bien plus hardi.
Echec au stratège
Contrairement par exemple aux idées avancées par Michele Battesti dans son ouvrage Trafalgar les aléas de la stratégie navale de Napoléon (2005), Remi Monaque estime « le grand dessein », c'est-à-dire le débarquement en Angleterre via une manœuvre complexe visant à éloigner la flotte anglaise vers les Antilles, de Napoléon irréaliste. La manœuvre reposait sur un raisonnement qui ignore par exemple les aléas du climat - et particulièrement des vents. L’ouvrage est convaincant, même s’il mérite d’être lu en parallèle avec celui de Michèle Battesti. Pour autant, Napoléon ne perdit pas, contrairement à ce qui est dit, la guerre à Traflagar mais dans les plaines russes et allemandes.
Sylvain Bonnet
Remi Monaque, Trafalgar, Tallandier, février 2014, 400 pages, 24,90 euros
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