Jim Harrison, "Grand Maître" : un faux roman policier

On ne présente plus Jim Harrison, si ? Alors faites donc un détour chez Wiki, via le lien, et revenez à nos verts pâturages, en l’occurrence ces grandes étendues américaines que l’ours du Montana sait si bien décrire et qui peuplent ses extraordinaires romans, à commencer par celui-ci, sous-titré à bon escient « faux roman policier » car le prétexte de l’enquête n’est que simple fil rouge ert permet de dérouler l’action dans les contreforts du Michigan, ces terres qui savent se rendre inhospitalières. Notre antihéros est un inspecteur à la retraite qui succombe à son penchant pour le beau sexe, et surtout pour sa très jeune voisine qu’il observe depuis sa fenêtre quand elle se déshabille ou consulte ses mails cul nu sur le dessus de lit de sa chambre de nymphette, laquelle n’est pas dupe, et se trouve même au fait des choses des hommes quand ils sont pris dans la nasse de la contemplation, médusés, figés par un corps bien trop jeune qui s’émancipe bien trop vite… Heureusement, son attention se portera rapidement sur une secte qui fait un peu trop parler d’elle et ce n’est pas le couperet de la retraite qui vient de tomber qui va l’arrêter en si bon chemin, d’autant que sa femme étant partie voir ailleurs, ce n’est pas le temps qui va lui manquer et qu’il faudra bien le combler d’une manière l’autre. Et pas seulement avec l’aide d’une bonne bouteille.

 

Harrison déploie une fois encore sa maestria en nous emportant dans le tourbillon de sa langue avec tous les clichés du genre, sans parvenir à nous lasser ni à nous perdre dans le dédale de son histoire qui nous fait visiter l’Arizona et le Nebraska : ce qui aurait été un livre morne chez un autre, est ici un brillant brouhaha totalement compréhensible et harmonieux. C’est sans doute cette forme d’humour noir qui fait pétiller le roman, des dialogues millimétrés de justesse et de flamboyance, des personnages secondaires pétris de lucidité, et pas seulement la petite Mona qui n’a pas froid aux yeux. Quant au Grand Maître de la secte, il n’aura finalement pas tant d’aura que cela, et lui aussi trempe dans son jus depuis si longtemps que le simple fait de devoir affronter un jour supplémentaire, un jour encore, lui pèse de plus en plus…

Extravagant et surprenant, décalé et nostalgique, ce roman hors norme est un grand souffle frais qui balaye enfin les quelques esquilles de la rentrée venues piquer nos yeux épris d’absolu…


François Xavier

 

Jim Harrison, Grand Maître, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Brice Matthieussent, Flammarion, septembre 2012, 352 p. – 21,00 €

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