Rodrigo Rey Rosa, "Manège" : thriller hippique

Invité pour fêter les dix ans du Festival America, du 20 au 23 septembre 2012, Rodrigo Rey Rosa y présentera son dernier roman paru en français, mais écrit en 2006… Manège est un thriller hippique. Une fresque d’une certaine société, le petit monde des éleveurs de chevaux. Des familles très riches qui règnent en despote sur des régions entières du Guatemala. Gardes armés et paranos, secrets de famille et avocat marron. C’est d’ailleurs un baveux qui interpelle le narrateur, écrivaillon sans ambition, lors d’une soirée mondaine. « Vous devriez écrire quelque chose sur ceci », lui dit-il en guise de bonjour. Ceci étant le début d’incendie d’une des écuries de leur hôte. Accompagné de l’assassinat du cheval mis en vedette. Une bête à cent mille dollars. Une enquête de routine, la police est dans la poche. Or l’affaire n’est pas si simple. Le narrateur a vu une jeune femme s’enfuir en pleurant quelques minutes avant le drame. Et un garçon d’écurie est manquant à l’appel.

 

L’avocat et le narrateur vont se revoir. Il semble bien qu’un secret plus soyeux soit à l’origine du drame. Un adultère ? Un enfant illégitime ? Un héritage ? D’une trame somme toute classique, la force de ce court roman tient dans sa rédaction. Rodrigo Rey Rosa possède un rythme d’écriture qui transcende la lecture. Des dialogues justes qui élèvent le tempo. Une contraction du temps qui densifie l’action. Et des descriptions chatoyantes et d’une rare précision. Je me suis retrouvée enfant, quand j’étais au manège, près de Genève. Les odeurs, le son particulier des sabots à la sortie de l’écurie. La première foulée dans l’enclot avec la consigne de laisser le cheval conduire. Qu’il se dégrise de sa nuit. S’inspire confiance et accepte sa cavalière. Et puis il y a ce mort qui s’invite au milieu du livre. Comme un retour à la réalité. Alors on tourne les pages comme dans une BD où chaque case invite à la suivante. Et toujours cette Amérique centrale à la violence ancrée, cancérigène, dont on ne parvient pas à se défaire. Un manège qui tourne sur lui-même. S’autodétruit et renaît de ses cendres. Mais toujours enclin au mal. Un tour et un tour et un tour… Sans fin.


Annabelle Hautecontre

 

Rodrigo Rey Rosa, Manège, traduit de l’espagnol (Guatemala) par Claude Nathalie Thomas, coll. "Du monde entier", Gallimard, septembre 2012, 154 p.- 14,90 €

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