Bruno Le Maire et la "Musique absolue" : biographie romancée de Carlos Kleiber ?

Il y eut Glen Gould, qui s’enferma très vite entre quatre murs. Se consacrant exclusivement à la quête de la perfection dans des séries d’enregistrements magistraux. Exit le public. Trop décérébré pour y comprendre quelque chose. Gould, l’anti Jarrett qui, lui, improvise sur scène et enregistre ses moments de grâce dont, le concert de Cologne, en 1974, est le plus connu. Entre les deux, Carlos Kleiber peut trouver sa place. Un chef d’orchestre de génie écrasé par l’ombre de son père, qui osa défier le Reich en jouant Berg. Jusqu’à ce que la fuite en Argentine s’impose.

 

Carlos, son fils, est un perfectionniste anarchiste qui préférait écouter les répétitions de Karajan plutôt que de donner un récital. Modestie ou trac ? Un peu des deux. Conjectures et légendes feront le reste, puisque notre héros n’a jamais accordé le moindre entretien. C’est donc un joli défi que relève Bruno Le Maire.

 

Pour conduire cette démarche biographique, monsieur Le Maire fait intervenir un premier violon. Depuis sa retraite de Rome, l’octogénaire se confie. Profitant de la situation, le romancier s’amuse avec un détail. Le narrateur aura posé son enregistreur et laissé parler le musicien. Le texte serait brut de décoffrage. Ce qui lui offre une brèche. Cette fameuse occasion en or pour un amoureux des lettres. Une excuse pour jouer du style. Rendre compte d’un monologue sans chichi. Une belle réussite.

 

Comment Bruno Le Maire a-t-il obtenu ses informations ? Secret de fabrication. On savoure seulement. On se plonge dans les délices de la grande musique. On apprend les nuances. On s’amuse de l’insolence du maître. De sa quête d’absolu. De ses pitreries lors des répétitions. De son désintérêt pour les mondanités, d’où cette piètre image que certains osent encore lui coller sur le dos. Ce livre s’égrène comme une fugue de Bach. Il nous enchante et nous apprend de belles choses. Preuve que l’on peut avoir du plaisir tout en s’enrichissant. Je ne connaissais pas ce chef d’orchestre. Je vais donc de ce pas fouiller les pages d’amazon.fr et d’iTunes pour m’enquérir d’un de ses enregistrements…


Annabelle Hautecontre

 

Bruno Le Maire, Musique absolue – Une répétition avec Carlos Kleiber, Gallimard, coll. "L’Infini", août 2012, 103 p. – 11,90 €

3 commentaires

Très intéressant, je ne connaissais pas Carlos Kleiber ! La musique subjugue autant qu'elle possède...

En se laissant bercer par votre plume, l'ouvrage semble d'une poésie qui me séduit déjà !

tous les amoureux de Kleiber et de son art gigantesque, c'est sans conteste le plus grand chef du XX° siècle, devront se ruer chez le libraire.


Maladroit et infantile.. Comment peut-on ainsi manquer de respect envers le lecteur ainsi qu'envers ce merveilleux Carlos Kleiber ? Par incompétence sans doute !