Richard Millet, "La voix et l’ombre"

Parler pour dire ou seulement pour conduire les mots d’un point l’autre, d’un larynx ému à un pavillon attentif ? Issu d’une famille de taiseux, d’une région où les gens de la terre sont laborieux et donc fatigués le soir, Richard Millet a souvent entendu souffler le vent au dîner plutôt qu’un flot de conversations ininterrompues. Son escapade libanaise lui a offert d’autres musiques, l’écriture est devenue une symphonie, son oreille s’est développée, sa plume taillée une réputation de première main. Oui, quoiqu’on puisse en penser, Richard Millet est un des rares écrivains qui comptent en France, n’en déplaise à certains journalistes qui jettent le fiel sur autrui pour faire oublier leur totale vacuité d’être. 


Voilà que l’édito du Magazine littéraire du 29 février 2012 verse dans le fait divers de caniveau : son directeur rend une copie qui, en son temps, quand nous étions à l’école, lui aurait valu un zéro pointé car hors sujet ! En quoi une opinion politique, sociétale, est-elle en rapport avec la chose écrite, en l’occurrence cet émouvant ouvrage tout de poésie et de chants ? Le Magazine littéraire n’est pas un journal d’opinion ni un magazine généraliste, il se doit de ne parler que de littérature, comme son nom l’indique... 


Richard Millet aurait dit qu’il vivait un cauchemar, tous les soirs, à la station RER du Châtelet-Les Halles car il se voyait comme le seul Blanc. Et après ? Manifestement c’est un ressenti de trop. Une opinion à ne pas évoquer. Joseph Macé-Scaron, qui est passé maître en plagiats de toutes sortes, et qui ne peut donc rien comprendre dans le travail d’écrire (créer, inventer) puisque lui se contente de piller, tombe dans le pire travers en jugeant l’homme quand on lui demande de parler de l’œuvre. Mais pour cela, faut-il qu’il sache ce que cela veut dire...


Hé oui, il est toujours difficile d’évoquer un écrivain, Millet n’est pas Millet car un grand écrivain est avant tout une voix, une voix nue, une voix bien souvent prophétique (comme Jean Raspail), et il est bien souvent difficile d’identifier cette voix à travers cet homme qui est parmi nous... Ensuite l’écrivain est le maître des mots, de ses mots, qu’il distille à dessein en de fulgurantes synthèses !


L’exemple de Céline est pourtant bien connu : un salaud, même lumineux, demeure un salaud, mais son œuvre, ah son œuvre, quel génial matériau à nous offert pour en jouir, et seulement. Non pour s’en servir pour attaquer l’homme. Cela est à laisser aux chiens qui aboient sur ordres. A moins que Joseph Macé-Scaron ne soit aux ordres, ou bien fasse partie d’une obédience, d’une catégorie spéciale de la population autorisée à mentir, voler, diffamer ? Tout en continuant à nous inonder de ces déclamations à la télévision alors qu’on ne lui demande rien ! S’il est une réforme en profondeur à mettre en place lors du prochain quinquennat, ce serait bien de faire en sorte que les journalistes pris en flagrant délit de tricherie soient interdit de l’ouvrir. N’est-ce pas PPDA ? 


Macé-Scaron continue son abject travail de sape en dénigrant l’engagement de Richard Millet pour la défense de la langue française en le plaçant comme celui dont la "position s’ancre dans une vision décliniste et taxidermiste de notre littérature menacée de rétractation identitaire." Il n’y a qu’à lire les textes de Grand Corps Malade ou de n’importe quel groupe de rap pour le constater (J’baise votre nation - 113 - Flippe pour ta femme, tes enfants, ta race. On s’est installé ici c’est vous qu’on va mettre dehors - Smala), ou d’ouvrir un roman de Marc Lévy. Mais ces gens-là font partie de la même obédience que Macé-Scaron, ils peuvent donc continuer à détruire la culture française... Je n’ose imaginer ce que JMS pense de Jean Raspail (et de son extraordinaire Camp des saints) qui démontre si bien comment fonctionne cette petite élite de la gauche-caviar qui tient certaines manettes dans la presse parisienne... et se fiche comme d’une guigne de l’opinion publique qu’elle se complait à (tenter de) manipuler...


Bref, rendons à la littérature ce qui est à Richard Millet, une œuvre magistrale et une langue magnifiée. Un propos crépusculaire qui lui fera se questionner tout au long du livre sur la magie de la voix quand elle se défait de son ombre ou que l’on devine l’envers, qui n’est pas le silence. Cela serait bien trop facile. L’envers de la voix c’est le renversement du souffle dans la nuit de la langue. Entre sens et contre-sens, comme les poètes ontologiques, Millet pose un à un ses petits cailloux blanc pour que le lecteur le suive pas à pas. Et quel régal, mes amis. Quand vous tenez ce livre entre les mains, ayez du temps devant vous car vous n’êtes pas prêts de le refermer...


"Parfois la voix se voile dans le chant, et c’est l’ombre qui surgit au plus haut de l’émotion comme un nuage filtre un instant le soleil, ou comme le sel qu’on sent dans les larmes, le léger défaut dans la perle ou le diamant, ou sur la peau la plus pure, la faille, la faute, la déchirure, l’imperfection, l’impureté, tout ce par quoi nous désirons être ce voile, cette ombre, en un mot entraîner l’ange dans notre chute, moins par cruauté ou perversion que parce qu’il n’est pas d’autre destin à notre plaisir, si insoutenable, aussi, serait la pérennité de la jouissance, laquelle a besoin de sa fin comme l’éclat de l’ombre, et qui y court, même, à sa fin comme un torrent à la vallée où il devient le chant du lointain, séparé de sa source et de lui-même comme nous le sommes lorsqu’il nous semble que notre voix résonne au loin et que nous sommes non seulement dépossédés d’elle mais aussi de nous-mêmes, entrés dans le chant de notre absence."


François Xavier

Richard Millet, La voix et l’ombre, coll. "l’un et l’autre", Gallimard, janvier 2012, 215 p. 21,00 €

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