Richard Millet : le tricard vous salue bien

Face à l'état actuel de la langue, sa précarité orthographique, pauvreté lexicale, misère syntaxique, dénuement spirituel, Richard Millet poursuit sa route de quasi tricard des lettres depuis sa publication de Langue fantôme, suivi de l'Éloge littéraire d’Anders Breivik (auteur des attentats d’Oslo et d’Utoya en 2011).
Il est désormais effacé de la vie littéraire française officielle et invisible eu égard à ses propos jugés inacceptables au moment où il présentait ses réflexions sur la terre, la nation, le multiculturalisme, l’immigration et déjà... la défaite de la langue.

Que j’aie été écrivain n’implique pas que je ne le sois plus, de même que la mort médiatique n’empêche pas de vivre dans le plein emploi du silence, précise Millet dans son Anti Millet.
Pour preuve il poursuit son travail d’écrivain dans le silence, certes relatif, mais néanmoins constant pour ce qui est des institutions de diffusions littéraires.
Il garde néanmoins des défenseurs dont ses éditeurs : Pierre-Guillaume de Roux, Léo Scheer, Les Provinciales, Fata Morgana. Ce qui n'est pas négligeable toutefois pour celui qui affirme ici son pacte : il s'agit de le créer non seulement avec sa langue patrie mais avec le silence et la hauteur que j’établis en elle .

Pour Richard Millet, la langue française brûle avec Notre-Dame de Paris. Il illustre  la consumation de cette cathédrale qu'est notre langue et par voie de conséquence notre culture. Car selon lui les deux partent de jours en jours en fumée, l'homme avec puisqu'il devient la somme de leurs cendres.
L'auteur reste le chevalier des valeurs classiques, les seules que tous les moralistes actuels ont brillamment laissé tomber au profit de luttes qui s'auto-annihilent les unes les autres dans un désopilant champ de ruines. Le constat est violent. Sans doute paroxysmique.
Mais il est bon qu'un tel prosateur nous rappelle à un état de fait et aux fondamentaux. Le styliste demeure ce qu'il fut. Et ce lecteur de Guy Debord montre l'étendue d'une vision qu'on a voulu restreindre à une extrémité politique dont il n'a cure.

Millet reste donc un homme libre à la Léon Bloy voire à l'image d'un Bernanos. Il se bat contre la mise en Ikea de la langue française : mais va-t-on l'accuser de vilipender une fois encore le modèle suédois en s'en prenant à une telle marque ?


Jean-Paul Gavard-Perret


Richard Millet, Français langue morte, suivi de L’Anti-Millet, Les Provinciales, mars 2020, 170 p.-,, 18 €

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