Julian Assange vs Google : David contre Goliath 2.0

Julian Assange vit reclus dans une petite pièce sans lumière du jour. Réfugié à l’ambassade d’Équateur, à Londres, depuis juin 2012. Avant il passa un an en résidence surveillée. Avec un bracelet électronique. Pour une sulfureuse affaire de mœurs suédoise qui relève de l’affabulation. Un piège grotesque dans lequel on le poussa. Un prétexte pour entraver WikiLeaks. Comme si attaquer un homme pouvait arrêter une organisation…

Toujours actif par Internet ou Skype, Assange énerve au plus haut point les dirigeants américains. Si bien qu’une opération nettoyage a été entreprise en 2016. Avril, son avocat meurt percuté par un train. Mai, un autre avocat, à New York, meurt d'un cancer foudroyant (provoqué ?). Juillet 2016 un de ses informateurs au sein du Comité national démocrate est tué par balles dans le dos. D’autres personnalités liées au DNC meurent de façon inquiétante en moins d'un mois, dont John William Ashe, le 22 juin 2016, asphyxié par une barre de musculation dans sa maison (sic).

Mais avant d’être l’homme à abattre, on tenta de le faire parler. Voire de le retourner. Ainsi, en juin 2011, un visiteur s’annonce dans la petite maison qu’Assange occupe en résidence surveillée dans le cottage londonien. C’est ni plus ni moins qu’Eric Schmidt, le président de Google.
Et cerise sur le gâteau : Julian Assange – avec leur accord – enregistra toute la conversation à laquelle se joignit aussi Jared Cohen, l’âme damnée de Google. Le fondateur de Google Ideas. Le centre Big Brother. L’outil de manipulation des masses. L’horreur numérique…

Et là, même si vous êtes un peu au fait des nouvelles technologies, les bras vous en tombent. Pour ceux qui n’ont pas encore compris combien la pieuvre nous tient, ce livre est indispensable.
L’impact des technologies de la communication sur l’art de gouverner est ici explicité. Tout comme celui de manipuler les foules. D’inciter à la guerre. De faire la guerre !
La coalition des connectés intervient sans l’aval de l’ONU. Depuis l’invention de l’intervention militaire à visée humanitaire (Responsability to Protect, le fameux R2P) tout est permis. C’est le changement le plus important dans notre conception de la souveraineté depuis les traités de Westphalie, en 1648 !

WikiLeaks a donc voulu donner un coup de pied dans la fourmilière. Informer. Cela dérange au point que plus de cent personnes travaillent au Pentagone pour contrer le site d’information. Et Bank of America a dépensé plus de 2 millions de dollars pour financer des cyber-attaques.
Mais le plus troublant, c’est surtout le rôle ambigu de Google. Car dès 2013 c’est Google qui mène une diplomatie parallèle pour le compte de Washington. Avoir toujours deux fers au feu, dit le dicton. Il semble que les Yankees en aient plusieurs, en fait. Car Google fait ce que la CIA ne peut pas faire, dixit le vice-président de Stratfor, l’officine privée américaine du renseignement.

Le monde a définitivement changé.
Au siècle passé, Lookead Martin dominait le monde. Il était matériel, physique, pratique. Désormais ce seront les entreprises de haute technologie et de cybersécurité qui auront tous les pouvoirs. Et vous y participez en affichant toute votre vie privée, soit sur Facebook, soit en répondant à tous les questionnaires que l’on vous tend.
Et comme Google a des aspirations géopolitiques vous êtes menacés. Car avec Androïd, c’est plus de 80% des smartphones et tablettes qui sont sous surveillance. Chaque terminal donne des informations sur vos modes de vie, vos déplacements, vos données personnelles, etc. Et plus d’un million de nouveaux appareils de vendent dans le monde, tous les jours !
Et ce n’est pas le cinéma du sieur Zuckerberg ces jours-ci devant l’UE qui changera la donne. Il ment. Il décide unilatéralement de ce qui est publié, ou pas, sur son réseau. Il vend vos données aux entreprises. Il vous espionne. Et ce n’est pas l'entrée en vigueur de la RGPD (le nouveau règlement général de la protection des données de l'Union européenne) qui y changera quoi que ce soit !

Voulez-vous de ce monde pour demain ? Ou souhaitez-vous conserver votre liberté ?

Annabelle Hautecontre

Julian Assange, Google contre WikiLeaks, Ring, mai 2018, 270 p. – 18 €

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