Babouillec : ce que parler veut dire

Hélène Nicolas (aka Babouillec) est une jeune femme autiste. Jamais scolarisée et après deux decennies de silence elle s'est mise, à écrire à l'aide de lettres en carton disposées sur une feuille blanche des textes poétiques exceptionnels. D'où et par exemple cet algorithme : Nous survivons par l'instinct de survie, seul l'acte d'aimer nous sépare du vide. Acte dans l'absolu.

Jailli ce qui est enregistré  comme elle  l'écrit, en un endroit bizarre de la vie et la pensée nourricière poétique dans cet espace galope comme un cheval fou. L'auteure crée une poésie qui dépasse toutes les frontières et les écoles là où les osmoses entre les mots qui, dit-elle, échappent toujours et encore, témoignant  d'une vertigineuse remontée des profondeurs.

Au delà de l'aphasie les mots trouvent une sortie loin des normes dans ce qui tient d'une forme élémentaire et lapidaire. Le texte devient un oracle propice à ouvrir des alternatives à ce qui restait jusque là à l'état d'errance sans nom.

S'instruit donc une poétique où une pensée se déroule selon des chemins étranges mais que le lecteur peut suivre à bon escient. Si bien que ce qui fut comme Babouillec l'écrit, Lost for ever, retrouve une direction.

Le Verbe devient mot de chair et d'esprit. Il ouvre les porte du silence. Et l'auteure de nous rappeler ce que tant de poètes omettent La Raison n'a pas sa place sans le Silence.
La raison et l'acte d'écrire trouvent là leur éveil. La mutique nous ramène donc en un point premier et essentiel de la poésie. Là où elle se fait. Et ce, dans ce qui est d'abord l'absence de langage que tous les régisseurs des lettres ne peuvent pas comprendre.

Ces textes dans leur Autopsie du vivant posent donc la question de la passe par où l'être peut dire merde à ceux qui croient savoir et à  tous les maîtres calculateurs des grands ordinateurs. Celle qui fut sans parole nous ramène donc au pied de l'échelle du langage pour réapprendre ce que parler veut dire loin des spéculations douteuses ou spécieuses.
 

Jean-Paul Gavard-Perret
 

Babouillec, Algorithme éponyme suivi de Raison et acte dans la douleur du silence et de Je, ou Autopsie du vivant, Rivages poche, mars 2018, 160 p.-, 6.90 €

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