Dès les premières pages on comprend l’admiration que voue Philippe Djian à Jérôme Charyn. La première phrase est une gifle. Le style est une drogue. L’histoire est dingue !
Voilà que notre Commissaire Rose préféré, après avoir été maire de New York, se retrouve dans le bureau ovale par un jeu de circonstances que seules les USA peuvent nous offrir. Mais il continue à conserver sa gouaille, ses caprices, son Glock à la ceinture et ses manières de faire qui ne plaisent pas toujours au protocole ; à commencer par cet éternel K-Way qu’il porte à chaque occasion…

Plus à gauche que la France insoumise ne pourrait l’être, le Président Sidel se refuse à rentrer dans le rang et ne vise qu’à s’occuper des pauvres, si bien que le Système commence à se lasser de cet idéaliste et un consortium de banquiers suisses lancent une loterie sur sa tête : le gros lot à celui qui aura sa peau.
Vu comme ça on se croirait dans un mauvais polar, mais manigancé à la sauce Charyn cela devient démentiel. Entre un ancien héros de guerre devenu mercenaire sorti tout droit des ténèbres tel Brando dans Apocalypse now, une capitaine du renseignement naval bien trop sexy, un faussaire russe qui inonde les marchés de fausses monnaies plus vraie que nature tout en offrant des tatouages à certains "élus", une fausse nurse serbe, un premier ministre israélien en guenilles et tout un tas d’acteurs caricaturaux, la lecture de ce roman totalement déjanté devient un plaisir si vif que l’on se demande si c’est bien réel, oser écrire de telles choses…
Mais si ! On est à la fois dans une BD, une série Netflix, ça explose ici, ça ronronne là (la chatte Desiree est unique), ça magouille ; le tout sur fond de monde réel en train de se retourner. Oui, il faut dire que nous sommes en 1989, un drôle d’hiver où l’URSS commença à vaciller, ouvrant les appétits des grands fauves de la finance mondiale.
12e opus des aventures rocambolesques d’Isaac Sidel, un feu d’artifices !

Rodolphe

Jérôme Charyn, Avis de grand froid, traduit de l’anglais (USA) par Marc Chénetier Rivages Noir, septembre 2020, 344 p.-, 21,90 €