"A travers temps", les débuts prometteurs d'un écrivain majeur

Dépression et voyage dans le temps


Tom Winter est dans une mauvaise passe : il a été largué par sa femme Barbara, licencié par sa boite, et verse dans l’alcoolisme. Quand son frère lui propose de revenir à Belltower, Tom se laisse faire. Il achète une maison un peu à l’écart et s’y installe. Cette maison est pourtant loin d’être banale. Elle appartenait à Ben Collier, disparu dix ans plus tôt, que personne en ville ne connaissait réellement. Petit à petit, Tom remarque des choses bizarres. La cuisine est toujours nettoyée quand il se lève le matin par exemple. Et puis il fait des rêves étranges où de minuscules créatures lui demandent son aide. Quand Tom découvre un tunnel sous la maison, sa vie bascule : il se retrouve en 1962, avant la crise de Cuba. Le problème est que quelqu’un d’autre a déjà emprunté le tunnel, l’homme qui a tué Ben Collier, Billy Gargullo, maraudeur du futur…


Œuvre de jeunesse mais roman réussi


A Travers temps est un des premiers romans de Wilson. Son titre anglais, A bridge of years, sonne d’ailleurs mieux, même s’il était difficile à rendre en français. De cette œuvre de jeunesse, on retient le goût de l’auteur à ancrerses personnages dans le réel, ce qui leur donne en crédibilité. Très efficacement, Wilson marie un thème science-fiction(le voyage dans le temps et ses conséquences) à un thème plus psychologique (Tom Winter va-t-il sortir de sa dépression ?).  Rien de nouveau, dira-t-on, mais il n’empêche, la recette fonctionne.


Pour les passionnés de Wilson, ce roman s’inscrit pleinement dans son œuvre. Ainsi, le personnage de Billy Gargullo, par ses carences psychologiques, rappelle des personnages assez similaires dans Le vaisseau des voyageurs et Ange Mémoire. Le ton rappelle ici Theodore Sturgeon, par son parfum mélancolique ainsi que par la profonde empathie de l’auteur envers ses personnages. Le processus d’irruption du fantastique dans le roman - la maison nettoyée constamment, la présence invisible, le voyage dans le temps - est très bien géré par l’auteur car la narration est neutre, dépassionnée car enracinée dans le quotidien de Tom Winter et de sa dépression. Et c’est là que Wilson réussit à capter l’attention du lecteur.


A travers temps, classique dans son inspiration, manque certainement de l’ampleur narrative que Robert Charles Wilson atteindra avec Les chronolithes, Darwinia et surtout Spin. Il n’en reste pas moins un agréable roman d’un auteur qui, il faut bien le reconnaître, n’a raté que très peu de romans. A (re)découvrir.

 

Sylvain Bonnet


Robert Charles Wilson, A travers temps, traduit de l’américain par Gilles Goullet, Folio sf, avril 2013, 432 pages, 7,70 €

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