La destinée arbitraire de Robert Desnos

Le charme de cette collection, outre
qu’elle offre des condensés de plusieurs recueils en un seul ouvrage, c’est
aussi, bien souvent, le seul moyen de (re)lire des livres épuisés depuis des
décennies, comme c’est le cas ici pour les trois premières parties du livre qui
regroupent des tirages limités désormais introuvables en librairie.
Il aura
fallu toute l’obstination de Marie-Claire Dumas pour aller puiser dans les
fonds de la Bibliothèque Littéraire Jacques Doucet ou à la Bibliothèque Nationale pour retrouver les manuscrits originaux et parvenir à nous livrer au
plus près les poèmes selon les directives narratives de l’auteur qui allait
parfois jusqu’à ponctuer de manière particulière certains poèmes…
La fraîcheur littéraire des années 1920 se libère dès les premières pages, on sent cette insouciance qui dévorait les âmes sensibles au lendemain des ravages de la Première Guerre mondiale ; aussi Desnos vibrait-il d’un désir de vivre, lui qui « aim[ait] les trains car ils vont plus vite que les enterrements » et d’un humour tout méditerranéen qui lui inspiraient une poésie lyrique pleine de verve et d’éclats de soleil :
Dans ce fromage il a laissé
quatre molaires et son faux nez.
Passez-moi le sel de Ninive
Servez, servez-moi des olives
Pour évoquer dans mon assiette
La Canebière et la Joliette.
Au lecteur alors d’être conscient du voyage initiatique qu’il va s’offrir en abordant les rivages plantés par ce drôle de poète qui ne rechignait pas à la prosodie et invitait nombre de personnages dans ses vers, dont l’un des plus célèbres demeure Rrose Sélavy qu’il emprunta à Marcel Duchamp et conféra de lui assurer la postérité éternelle…
Les années passant, la Seconde Guerre mondiale faisant, la poésie de Robert Desnos évolua, s’amplifia, se dramatisa mais garda toujours son arôme de surréalisme et d’insolence qui la font intemporelle, ancrée à jamais sur le rocher littéraire contre vents et marées, quelle que soit l’infâme pollution qui viendra tenter de corroder les attaches…
Poésie lyrique, poésie romantique, peut-être, poésie surtout qui invite à une pause, à reconsidérer le monde sous un autre angle, donc livre indispensable pour recouvrer le sourire. Et l’envie de.
François Xavier
Robert Desnos, Destinée arbitraire, préface de Marie-Claire Dumas, Poésie/Gallimard, mars 2017, 288 p. – 10,90 euros
Ce volume
contient :
I (1919-1926)
Prospectus 1919
Peine perdue
C'est les bottes de 7 lieues cette phrase «Je me vois»
II (1930-1939)
Youki 1930 Poésie
Les nuits blanches
Bagatelles
La ménagerie de Tristan
Le parterre d'Hyacinthe
La géométrie de Daniel
Mines de rien
III (1943-1944)
État de veille
Le bain avec Andromède
Sens
À la caille
Ce cœur qui haïssait la guerre
Réflexions sur la poésie
Lettre à Youki
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