La destinée arbitraire de Robert Desnos

Profitant du Printemps des poètes, un éditeur parisien s’empare de l’idée que la poésie est à l’épreuve du monde et décide de rééditer quelques grandes signatures connues pour leur ton libre, Pasolini et Desnos (initialement paru en 1975) ont donc l’honneur de revenir sur les gondoles des libraires drapés dans cette nouvelle couverture rouge, entre le sang bouillonnant des amants et le sceau révolutionnaire…

 

Le charme de cette collection, outre qu’elle offre des condensés de plusieurs recueils en un seul ouvrage, c’est aussi, bien souvent, le seul moyen de (re)lire des livres épuisés depuis des décennies, comme c’est le cas ici pour les trois premières parties du livre qui regroupent des tirages limités désormais introuvables en librairie.
Il aura fallu toute l’obstination de Marie-Claire Dumas pour aller puiser dans les fonds de la Bibliothèque Littéraire Jacques Doucet ou à la Bibliothèque Nationale pour retrouver les manuscrits originaux et parvenir à nous livrer au plus près les poèmes selon les directives narratives de l’auteur qui allait parfois jusqu’à ponctuer de manière particulière certains poèmes…

 

La fraîcheur littéraire des années 1920 se libère dès les premières pages, on sent cette insouciance qui dévorait les âmes sensibles au lendemain des ravages de la Première Guerre mondiale ; aussi Desnos vibrait-il d’un désir de vivre, lui qui « aim[ait] les trains car ils vont plus vite que les enterrements » et d’un humour tout méditerranéen qui lui inspiraient une poésie lyrique pleine de verve et d’éclats de soleil :

 

Dans ce fromage il a laissé

quatre molaires et son faux nez.

Passez-moi le sel de Ninive

Servez, servez-moi des olives

 

Pour évoquer dans mon assiette

La Canebière et la Joliette.

 

Au lecteur alors d’être conscient du voyage initiatique qu’il va s’offrir en abordant les rivages plantés par ce drôle de poète qui ne rechignait pas à la prosodie et invitait nombre de personnages dans ses vers, dont l’un des plus célèbres demeure Rrose Sélavy qu’il emprunta à Marcel Duchamp et conféra de lui assurer la postérité éternelle…

 

Les années passant, la Seconde Guerre mondiale faisant, la poésie de Robert Desnos évolua, s’amplifia, se dramatisa mais garda toujours son arôme de surréalisme et d’insolence qui la font intemporelle, ancrée à jamais sur le rocher littéraire contre vents et marées, quelle que soit l’infâme pollution qui viendra tenter de corroder les attaches…

Poésie lyrique, poésie romantique, peut-être, poésie surtout qui invite à une pause, à reconsidérer le monde sous un autre angle, donc livre indispensable pour recouvrer le sourire. Et l’envie de.

 

François Xavier

 

Robert Desnos, Destinée arbitraire, préface de Marie-Claire Dumas, Poésie/Gallimard, mars 2017, 288 p. – 10,90 euros

 

Ce volume contient :
I (1919-1926)
Prospectus 1919
Peine perdue
C'est les bottes de 7 lieues cette phrase «Je me vois»

II (1930-1939)
Youki 1930 Poésie
Les nuits blanches
Bagatelles
La ménagerie de Tristan
Le parterre d'Hyacinthe
La géométrie de Daniel
Mines de rien

III (1943-1944)
État de veille
Le bain avec Andromède
Sens
À la caille
Ce cœur qui haïssait la guerre
Réflexions sur la poésie
Lettre à Youki

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