"Le Secret d’Edwin Strafford", de Robert Goddard

Rober Goddard aime les personnages qui ratent leur vie. Et les romans qui étendent avec une suave lenteur le mystère sur fond historique. De nouveau, nous retrouvons cette marque de fabrique avec la réédition chez Sonatine de son premier roman, initialement publié en 1986, Le Secret d’Edwin Strafford. Martin Radford, professeur qui a raté sa vie personnelle et professionnelle,  au point de n’avoir plus rien comme horizon en est le personnage central. Alors qu'il n'est plus rien pour lui-même, pris dans un désoeuvrement total, survient une proposition qu’il ne peut pas refuser : il est invité à Madère. Ce dépaysement — proche de celui d’Harry Barnett dans Heather Mallender a disparu dont l’intrigue se passait en Crête — va vite s’interrompre : on lui confie la mission d’enquêter sur la disparition d’Edwin Strafford, ancien ministre de sa Majesté qui a été évincé du gouvernement de manière un peu brutale. Son journal intime a été retrouvé et laisse présager de quelque mystère.

Les deux personnages, Martin et Edwin, dont les récits (la narration et le journal intime) vont s’entrecroiser, révèlent de grandes similitudes entre eux, ce qui rend d’autant plus crédible l’attachement de Martin à mener l’enquête. Enquête qui va le conduire à relire toute une partie de l’histoire du XXe siècle.

Edwin avait mené une enquête, qu'il dévoile dans son journal, et que va reprendre Martin, se glissant dans la peau du diariste pour suivre ses pas et essayer de démêler l'écheveau des  intrigues et mettre à jour le secret inavoué.

Un livre politique ?

Toute l’intrigue porte la marque d’une certaine nostalgie pour la période de l’avant guerre, où l’honneur était encore une valeur et ou la politique était sens d’engagement. Sans faire la morale ni conspuer ce qu’elle est devenue, il est intéressant de lire ce roman comme une critique de la politique dont la marque de modernité pourrait être l’absence d’idéal. Qu'il est loin le temps des suffragettes !

Le journal intime d’Edwin Strafford nous ouvre les arcanes de la politiques britannique de la première moitié du XXe siècle. Complot, intrigues, rien n'est épargné !

Quelle est la vraie raison de la mission de Martin ? quels secrets inavouables et dangereux pour la vie politique vont être révélés ? Le fait que Martin ait un lien de parenté avec certaines personnes liées à la vie d'Edwin est-il un pur hasard ? 

S'il n'a pas toutes les qualités du grand roman qu'est Par un matin d'automneLe Secret d’Edwin Strafford est une plongée doucereuse . Et l'écriture si belle de Robert Goddard pourrait être à elle seule suffisante !


Loïc Di Stefano

Robert Goddard, Le Secret d’Edwin Straffordtraduit de l'anglais par Catherine Orsot Cochard, Sonatine, mars 2013, 629 pages, 22 euros
Aucun commentaire pour ce contenu.