Les Grands procès du XXe siècle

La société est friande des grandes affaires judiciaires, et même des plus petites (le succès éditorial des faits-divers en est la preuve). La mise à mort en place publique a longtemps été une fête populaire et un exutoire social. Stéphanie de Saint Marc se propose réunir les actes de très grandes affaires qui balaient le champ de la justice comme témoin de son époque pour la première moitié du XXe siècle. Ainsi, des affaires criminelles (les soeurs Papin, immortalisées par Jean Genet dans Les Bonnes) ou des affaires politiques (le réseau Jeanson), des affaires qui témoignent d'une justice aux ordres (Mendès-France) ou d'nue justice qui veut montrer son autonomie (Pierre Laval)... Toujours passionnés, et parfois passionnels, ces grands procès sont le théâtre de l'Histoire. Pourquoi tel fait-divers va sortir du cadre restreint de sa nature propre (un crime de sang comme tant d'autres) et atteindre à la dimension symbolique ? Pourquoi telle instruction sera portée uniquement à charge ? Pourquoi telle exécution sommaire et commanditée par le pouvoir politique doit-il passer par le faux-semblant d'un procès-farce ?

Treize procès au programme : Henriette Caillaux (1914), Louis Malvy (1918), Germaine Berton (1923), les soeurs Papin (1933), Violette Nozière (1934), Alexandre Stavisky (1936), Pierre Mendès France (1941), Pierre Laval (1945), Marcel Petiot (1946), Pierre-Etienne Flandin (1946), Victyor Kravchenko (1949), le réseau Jeanson (1960), les "barricades" (1960).

Chaque procès est présenté plus ou moins de la même manière : une présentation qui rend compte des tenants et des aboutissants historiques et sociologiques, recadre les enjeux et les personnages, puis les interrogatoires, l'acte d'accusation, les dépositions, le réquisitoire. le procès Mendès-France est restreint à l'interrogatoire, mais cela forme déjà un document historique de première main de cette affaire où un grand serviteur de l'Etat est réduit par le régime de collaboration à la figure du traître... 

il est admirable de remarquer également combien la justice est faiblement humaine, les juges parlant aux uns et aux autres de manière différentes. Ainsi pour comprendre, amener à dire leur vérité, ou pour asséner le lourd glaive quasi aveuglément, comme pour le procès de Pierre Laval (quelle que soit sa culpabilité par ailleurs, on sent chez le juge une volonté de le réduire, alors que ce dernier avait lui-même prêté serment au Maréchal Pétain en 1941, mais juger les autres permet parfois de se dédouaner soi-même d'une identique responsabilité...).

Procès "ordinaires" ou en Haute cour, procès de petits crimes ou d'ignominie exemplaire, ces treize affaires réunies dans Les Grands procès du XXe siècle font une histoire de la Justice en France, justice le plus souvent perméable aux injonctions politiques ou sociales du temps.  Stéphanie de Saint Marc nous convie à une lecture passionnante de l'histoire de la société française par ses procès exemplaires.



Loïc Di Stefano

Les Grands procès du XXe siècle, éditions établie et présentée par Stéphanie de Saint Marc, Robert Laffont, "Bouquins", octobre 2016, 896 pages, bibliographie, index, 30 eur
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