Histoire secrète du cinéma français

Dans les couloirs du pouvoir

Le titre est un peu pompeux, pour ne pas dire provocateur. Il s’agit moins de raconter des secrets que d’expliquer le fonctionnement du cinéma français à travers ses principaux argentiers, producteurs et distributeurs.

Michel Pascal connait son travail. Il est (bon) journaliste depuis quelques décennies et a fréquenté le cinéma des premiers jusqu’aux derniers rangs. Il nous entraine vers quelques destinées emblématiques : Claude Berri, Nicolas Seydoux (Gaumont), Jérôme Seydoux (Pathé), Marin Karmitz, Jean-Pierre Rassam, Gérard Lebovici (Artmédia) sans oublier l’encombrant Daniel Toscan du Plantier qui, dans cette distribution, fait figure de vedette.

Tous ces gens ont fait le cinéma français des années 70 à aujourd’hui. Au moins une partie. En prenant les rênes d’empires chancelants, en devenant d’audacieux producteurs, en montant une agence artistique de premier plan. Ils ont osé et, pour la plupart, ils ont gagné. Hormis Berri et, dans une moindre mesure Karmitz, leurs noms sont peu connus du grand public et, a fortiori, leurs parcours. On se doute bien que l’on ne grimpe pas au sommet en claquant des doigts. À travers ce livre, on voit qu’il faut aussi manigancer, trahir, jouer d’audacieuses parties de poker et flinguer (au propre comme au figuré).

Le sujet est intéressant. Il l’est d’autant plus que tous ces personnages sont inquiétants. À l’image des grands patrons d’industrie, ils font froid dans le dos. Ce ne sont pas des tendres ni des câlins. Il ne faudrait pas pousser l’image beaucoup pour se retrouver dans une ambiance digne du Parrain ! Même le boulversifiant Toscan (dont on sait ce que je pense de lui dans un précédent article) n’apparait pas comme le plus sympathique des partenaires de jeu.

La difficulté avec ce genre d’ouvrage est de simplifier la complexité. Car il est question d’argent, de manœuvres économiques (notamment au sein de la famille Schlumberger), de prises de pouvoir. Étant totalement nul dans tous ces domaines, j’ai eu parfois du mal à suivre. Des plus les personnages sont si nombreux qu’ils en viennent à se bousculer. Derrière les cadors précédemment cités, il y a les seconds couteaux. Une véritable foire d’empoigne. Faut suivre, ne pas se gourer.

Ceci dit, je félicite grandement l’auteur d’avoir remis à sa véritable place Paul Rassam, véritable éminence grise du cinéma français, avec lequel j’ai eu l’occasion de m’entretenir à de nombreuses reprises. Vraiment un grand homme (très différent de la clique des susnommés). On lui doit, entre autres, les films de la famille Coppola et ceux d’Oliver Stone !

Michel Pascal tente de fluidifier cet univers grouillant. Malheureusement, suivant son inspiration, il lui arrive de dériver, presque de changer de sujet. Il insiste beaucoup sur le Festival de Cannes auquel il prête une trop grande importance dans ce contexte. Il s’attarde sur la mort de François Truffaut et le meurtre de Gérard Lebovici (sans l’élucider, bien sûr). Des chemins de traverse qui ressemblent presque à des promenades bucoliques dans lesquels le lecteur risque de se perdre.

Le plus étonnant, au sortir de la lecture de ce livre est le grand absent. Car il y en a. Son absence est si aveuglante qu’elle pourrait passer inaperçue : le cinéma ! Eh oui, à quelques exceptions près, ces gens, en dépit de leurs déclarations et de leurs rodomontades, ne me paraissent pas aimer le cinéma. Plus exactement ils l’aiment pour les mauvaises raisons : le pouvoir, l’argent, les femmes, la notoriété... Ils sont tombés dans le cinéma parce que le jeu y est plus amusant. On peut y gagner gros et y perdre encore plus. L’éternelle partie de poker… Peu de films sont d’ailleurs cités ici. Et quand Michel Pascal se penche sur l’un d’eux (Les Valseuses), il le fait du point de vue du metteur en scène (Bertrand Blier) non de celui du producteur. Et tout à coup le cinéma entre dans le livre. Pour en repartir aussitôt…

Cette Histoire secrète s’avère utile pour qui s’intéresse aux coulisses du cinéma. Et, éventuellement, pour qui caresse le désir de devenir producteur !

Le livre a été lu dans ses "épreuves non corrigées". Inutile d’y relever toutes les erreurs... mais gageons que le Show-biz de Jean Yanne redeviendra Chobizenesse et que Francis redeviendra Veber et non Weber. Je signale également qu’Apocalypse Now n’est pas le "premier grand film américain sur la guerre du Vietnam", il fut précédé par Voyage au bout de l’enfer (que je lui préfère).

Philippe Durant

Michel Pascal, Histoire secrète du cinéma français, Robert Laffont, avril 2017, 372 pages, 21 eur

 

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