Chasse aux sorcières près du pôle

Le 24 décembre 1617, une tempête frappe l’île de Vardo au nord est de la Norvège, l’une des dernières terres habitées avant le pôle.
40 pêcheurs, soit la totalité des hommes adultes du village sont emportés. Ne restent que les femmes et quelques enfants. La vie qui était déjà éprouvante sous cette latitude où la nuit dure d’octobre à avril devient dantesque, les enterrements sont impossibles, la survie loin d’être assurée. Elles subsistent pourtant, grâce au courage de quelques-unes qui prennent à leur tour la mer pour rapporter du poisson. Une pratique que l’église réprouve.

Car même au nord du nord, les autorités ecclésiastiques font rage, plus occupées à traquer l’infidèle qu’à aider celles qui risquent de mourir de faim. Le roi Christian IV cherche à asseoir son pouvoir sur le Finnmark où les Sames parlent avec les esprits et rejettent le luthérianisme.
Son délégué Absalom Cornet qui a déjà remporté de grands succès dans sa lutte contre la sorcellerie en Ecosse s’attelle à la tâche. Très vite, il affirme  que la tempête a été provoquée par des femmes qu’il condamne au bûcher. 

Ce sinistre personnage est accompagné d’Ursa, une jeune fille, vite épousée sans amour, élevée dans un milieu privilégié à Bergen au sud ouest du pays, à des milliers de kilomètres de là. D’abord horrifiée par la rudesse du climat et de ses habitantes, elle qui était arrivée, vêtue de robes légères et d’escarpins  de soie va s’intégrer et nouer une belle amitié avec Maren, une autochtone de son âge, que son mari désignera bientôt comme sorcière.

Avec une délicatesse et une sensibilité inouïes, Kiran Milwood Hargrave , dont c’est le premier roman, décrit le lien qui se noue peu à peu entre elles, entre fabrication du pain et confection d’un manteau en peau de renne. 
Elles s’apprivoisent et même un peu plus, tandis qu’alentour s’abat une répression d’une brutalité sans précédent. La villageoise découvre la tendresse, tandis que la jeune bourgeoise s’aperçoit que le rôle des femmes peut être différent que celui imposé par la société.

S’appuyant sur des faits réels,  cette chasse aux sorcières est restée dans les mémoires à tel point que Louise Bourgeois lui consacra une installation artistique sur l’île de Vardo. Le livre est porté de bout en bout par un souffle aussi puissant qu’original. 

 

Brigit Bontour

 

Kiran Milwood Hargrave , Les Graciées, traduit par Sarah Tardy, Robert Laffont, août 2020 400 p.-, 20 €

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