Richard Littell, Une belle saloperie : Une vie en noir

Un vétéran


Robert Littel n’est pas seulement le père de l’auteur des Bienveillantes : il a été remarqué dès les années 70 et a bénéficié en France de l’accueil enthousiaste de Jean Patrick Manchette (qui traduisit notamment La défection d’A.J Lewinter). Ancien grand reporter de Newsweek,  Littel est aussi à l’aise dans Le roman d’espionnage que dans le thriller géopolitique. Contrairement à d’autres, la chute du mur de Berlin n’a pas tari sa source d’inspiration et le voici de retour avec Une belle saloperie, qui se présente comme un roman noir des plus classiques, avec mafieux, détective privé et femme fatale. Littel est-il pour le coup classieux ?


CIA, Mafia et belles filles


Lemuel Gunn, ancien flic du new Jersey, ancien agent de la CIA, actuellement détective privé, habite dans l’ancienne caravane de Douglas Fairbanks Jr. au Nouveau Mexique. Un beau matin, il voit débarquer une superbe créature qu’il baptise Vendredi parce qu’on est vendredi et en hommage à Robinson Crusoë. Elle s’appelle réellement Ornella Neppi et est la nièce d’un prêteur sur gages. Elle lui demande de retrouver un dénommé Emilio Gava, qui a disparu alors que l’oncle d’Ornella s’est porté garant pour le faire sortir sous caution. Gunn, comme beaucoup de privés, ne peut rien refuser à une jolie fille et commence son enquête. Il s’avère que Gava est le faux nom d’un membre de la mafia, inscrit au programme de protection des témoins du FBI. Gunn a non seulement mis le doigt dans une machination complexe mais il est également tombé amoureux de Vendredi/Ornella…


Le grand roman noir      


« Il y a des choses qu’on réussit du premier coup. Moi c’était à couper des mèches pour piéger les Kalachnikovs expédiées à des combattants islamiques indépendants en quête d’un djihad commode. C’était à échanger discrètement des messages avec un intermédiaire dans le bazar de Peshawar. Pour d’autres choses, rien à faire : on a beau recommencer cent fois, on n’y arrive pas mieux. Ce qui explique, je suppose pourquoi je ne sais toujours pas préparer des œufs sur le plat sans casser le jaune. (…) »


Dès le début, Robet Littel livre un grand hommage stylistique à Chandler, son tribute. Au départ, Une belle saloperie a tout de l’exercice de style, pleinement maîtrisé. Sauf qu’il nous parle aussi de l’Afghanistan, d’un agent de la CIA devenu privé, imprégné de morale, qui adopté une orpheline de là-bas ; qu’il nous parle d’amour et de mort. Littel, créateur de belles mécaniques narratives plutôt « froides », fait preuve ici d’une sensibilité qu’on ne lui aurait pas prêté. Dont acte, Une belle saloperie nous ravit, nous rappelle que le noir c’est beau.

 

Sylvain Bonnet


Robert Littell, Une belle saloperie, traduit de l’anglais (américain) par Cecile Arnaud, Baker Street, avril 2013, 313 pages, 21 €

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