"Vers l’azur infini" de Carme Riera, décrit la tragédie de la conversion des juifs de Majorque

"Le soleil disparaît, entouré par des guirlandes de nuages bariolés, rayés de rouge, comme des couronnes mortuaires. Le premier groupe a déjà passé la muraille par la porte de Sainte-Catherine, il monte par Sainte-Croix, prend la rue du Vin et franchit le pont d’Horlandisque. Tous entendent la Figuera sonner dix-huit heures."


Carme Riera retrace le parcours de ces juifs convertis de force au catholicisme à la fin du XVIIe sur l’île de Majorque. L’histoire de ces familles entières qui ont continué secrètement de respecter leurs croyances, d’adorer leur Dieu, avec un unique rêve en tête : celui de s’enfuir vers le port libre de Livourne.


Depuis longtemps déjà ces hommes et ces femmes rêvaient de s’enfuir, mais depuis la découverte d’une lettre de délation, ils sont plus que tout déterminés à quitter l’île pour fuir l’Inquisition. Cependant, ils ne peuvent le faire seuls : ils ont besoin de l’aide d’un capitaine de bateau et de son équipage, aussi bien que de leur foi. Lorsqu’enfin un capitaine accepte d’emmener vers Livourne un échantillon de cette communauté juive majorquine, la tempête ne fait qu’empirer et le vent souffler dans le sens opposé à leur liberté. Leur dieu les aurait-il abandonnés ?


"Nous partons afin de respecter librement les préceptes imposés par notre religion, afin de ne plus nous cacher, de pouvoir dire à voix haute que nous sommes juifs et que nous mourrons juifs."


La tempête n’était autre que le reflet de ce qui les attendait à leur retour sur l’île. Ne pouvant mettre les voiles ils ont du se résigner à rentrer, malheureusement ils seront surpris par l’alguazil et tous arrêtés. L’Histoire nous permet de deviner leur sort, et aucun ne pourra être sauvé malgré l'aide de Livourne et de la belle Blanca.


Le roman est une mêlée, voire une avalanche de personnages aux noms plus judéo-hispanisants les uns que les autres. Chacun a son surnom et grâce à cela nous pouvons nous retrouver dans le labyrinthe narratif au caractère omniscient. Il s’agit là d’un roman historique qui s’inscrit tout à fait dans l’air du temps, dans un contexte socio-culturel de révoltes et de quête de liberté.


Rares sont les écritures féminines qui nous bercent avec autant de ferveur dans les méandres de l’Histoire. Des descriptions pointues et voluptueuses des femmes apaisent l’ambiance oppressante de l’intrigue, de ces hommes sans cesse persécutés.


Enfin, un titre évocateur et révélateur d’un roman à la fois doux et tragique, né d’une femme à l’écriture attachante, poignante et sensuelle.


Élodie Blain


Carme Riera, Vers l’azur infini, Autrement, septembre 2012, 496 pages, 22 euros

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