Leonora, Elena Poniatowska : La vie passionnante de la "Fiancée du vent"

Leonora ou le roman d’une vie incroyable d’une célèbre artiste surréaliste anglaise, charmée par le Paris bohème des années 1930 et entrainée sur la scène littéraire et artistique mexicain.


Le récit biographique est poignant, chaque ligne révèle un trait de caractère de cette petite fille originale et tellement incontrôlable. Ses parents restent impuissants face à cette force de la nature qui ne cesse de grandir à leurs côtés. Son envoi au couvent puis dans diverses écoles de filles afin de lui inculquer un semblant d’éducation s’avèreront inutiles… Leonora se prend pour une jument.


La jeune fille grandit, et sa jeunesse est marquée par sa rencontre avec Max Ernst, lequel bouleversera toute sa vie. Leur quotidien porte l’empreinte de la frivolité, elle est sa maîtresse envolée, sa « Fiancée du vent » comme il l’appelle. Plusieurs belles années se sont offertes à eux avant que la guerre n’éclate et que Max ne soit déporté.


L’auteur nous détaille alors plusieurs années de folies, Leonora sera internée à maintes reprises et enfin dans un hôpital psychiatrique à Santander, la villa Covadonga. Ces pages sont terrifiantes et elles sont certainement les passages les plus saisissants de cette vie étonnante.


Á sa sortie, elle rencontre Renato, un diplomate mexicain avec qui elle se marie. Cependant, jamais elle ne cessera de côtoyer ses amis surréalistes et fort heureusement elle continuera de peindre et de progresser dans son art. Après son internement, la folie ne semble pas avoir quitté son corps dans sa totalité, par moment elle la rattrape et se joue d’elle, comme dans un passage où elle ne retrouve pas Renato à son retour d’un dîner et cela la plonge dans une panique totale. Elle écrit frénétiquement :


"Je crève lentement et péniblement du désir de te voir, reviens vite. Je vais me contenter de défaire le lit, engloutisseur de fornications, si tu reviens ; je n’ose pas me coucher seule dans un machin pareil. J’ai peur d’être précipitée au milieu de l’abîme. Je t’aime de façon atroce, c’est l’horreur ici sans toi, bien que tu me laisses seule toute la journée. Je déteste New-York. Je t’aime, j’ai envie de te faire l’amour, de t’embrasser et de te lécher. Il se fait tard et tu n’arrives pas. Je n’ai peur de rien, pour l’amour de Dieu ou de Satan –plutôt pour l’amour de Satan-, viens vite, viens vite, Renato. Sans toi je deviens folle, j’ai besoin de toi."


Leonora finira par quitter Renato pour un autre homme, un hongrois, Chiki, avec lequel elle aura deux enfants. Même entourée de ses enfants elle ne cessera de laisser libre cours à son imagination et à sa créativité, sa vie n’est possible qu’avec des pinceaux entre les mains.


Cette lecture offre des sensations et des émotions fortes grâce à une écriture agréablement pénétrante. On ne saurait que trop remarquer l’harmonie entre rythme et fond qui s’entremêlent et permettent l’excellente narration d’une vie qui mérite d’être dévoilée.


Élodie Blain


Elena Poniatowska, Leonora, traduction de Claude Fell, Actes Sud, septembre 2012, 430 pages, 23,50 euros.

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.