Les "Belles Abyssines" de Bernard Bonnelle réveillent les démons du temps des colonies

Certains en ont encore la nostalgie. À croire que l’Histoire est un éternel recommencement. Du temps des colonies il s’en passait de drôles. Surtout quand on se trouve à la pointe Est de l’Afrique alors que le monde s’embrase. La Seconde guerre mondiale débute et les marins français stationnés à Djibouti coulent des jours heureux. N’était la mort soudaine et stupide d’un des officiers. En nettoyant son arme, le coup est parti. On connaît la musique. Plus personne n’y croit. Suicide ou accident, alors ? Pierre Jouhannaud, le narrateur, jeune officier qui vient remplacer le défunt a plus que des doutes. Non pas seulement parce qu’il est un ami d’enfance d’Alban de Perthes. Mais parce qu’il connaît sa mentalité. Se donner la mort n’est pas dans ses options. Donc la confidence du chef de la marine lui paraît suspecte. Surtout que l’ambiance est un tantinet tendue. Et pas seulement parce que les Italiens sont nombreux dans la colonie. Et que l’Ethiopie toute fraîchement tombée dans les mains des fascistes italiens fait frontière commune. Mais aussi parce que les Occidentaux semblent plus préoccupés par leurs soirées aux Belles Abyssines que par les conséquences de la guerre qui vient de débuter…


Commandant d’un navire poussif qui tombe en panne dès sa première sortie, Jouhannaud se retrouve cloué au sol. Pour un marin c’est le comble de l’absurde. Il tue le temps en menant sa petite enquête et découvre une étrange photo dans la poche de la vareuse de son ami disparu. Une jeune éthiopienne. Il va suivre la piste. Et découvrira comme de bien entendu la couardise des uns, la lâcheté des autres, la monstruosité humaine...


On connaît la musique. Les blancs sont odieux, les autochtones enfermés dans leurs dogmes, les tribulations extérieures envenimant l’atmosphère. Demeurent quelques très belles descriptions de la région. Et une langue technique liée à la marine. Rien d’étonnant, Bernard Bonnelle fut officier de marine de 1986 à 2002. On apprend donc du vocabulaire. On se laisse porter par une intrigue cousue de fil blanc mais ce n’est pas désagréable… Sauf qu’on est bien loin du Désert des Tartres de Dino Buzzati comme se plait l’éditeur dans cette comparaison pour le moins… osée.


Annabelle Hautecontre


Bernard Bonnelle, Aux Belles Abyssines, La table ronde, coll. "Vermillon", janvier 2013, 192 p. – 17,00 €

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