Mathias Menegoz, Karpathia : Lourdes et sombres Carpathes...

En Autriche, vers 1830, le capitaine Alexander Korvanyi est l'héritier d'une riche famille de Transylvanie. Il rencontre une belle jeune fille, Cara von Amprecht, dont il défend l'honneur au cours d'un duel. Il remporte ce duel et la belle, décidant alors de quitter l'armée pour partir sur ses terres avec sa jeune épouse, car il entend restaurer ce vaste domaine abandonné.

Le comte Alexander, après un long voyage, parvient dans ce fief que sa femme, souvent émerveillée, perçoit comme un cadeau. Très délabré, le domaine est cependant immense, et surmonté d'un château près duquel trône un château plus ancien, lugubre et inquiétant.

D'abord soumis, les serfs de la Korvanya paraissent hostiles. Des dissensions ont lieu entre les divers groupes humains : Valaques, Magyars, Saxons. Comme des enfants disparaissent et sont retrouvés morts, on soupçonne d'abord les Gitans de passage. Et comme une jeune fille, Auranka, a été violée, on en accuse un vampire.

Cherchant à tout prix à maîtriser les événements, le comte Alexander évite une guerre entre Valaques et Gitans, puis découvre qu'un loup a tué des enfants. Son épouse Cara tient à organiser une battue pour tuer le loup.

 

En même temps, nous apprenons l'existence, dans la forêt, d'une troupe de "Forestiers" contrebandiers, tous dévoués à la cause des serfs valaques, dirigée par un certain Vlad. Tous ces gens, y compris les hobereaux de la région, voudraient bien savoir si le comte Alexander est le "vampire" – ou non, car on le suspecte des pires atrocités depuis qu'il a recueilli au château la belle Auranka et sa tante.

Au cours d'une partie de chasse organisée par le comte Alexander pour les seigneurs des environs, trois hommes qui désertaient le camp des "Forestiers" sont tués. La chasse devient plus nettement une chasse à l'homme. Les "Forestiers" s'inquiètent, et cherchent à savoir lequel d'entre eux pourrait avoir violé Auranka. Bientôt, ces différents conflits prennent une importance considérable, qui va culminer, vers la fin de ce roman, avec la prise du château, l'enlèvement de la belle Cara, et... N'en disons pas davantage.

 

En dépit de certaines longueurs, d'un style à la fois précis, tatillon et lourd, qui convient à merveille à la description de cette époque lointaine, on peut lire ce roman avec un certain plaisir mêlé d'hébétude : qui se soucie de ce que faisaient les officiers de l'Empire austro-hongrois en 1830 ? Le soin extrême apporté aux descriptions, la riche documentation de l'auteur nuisent au début à ce long roman.

On se trouvera donc surpris, par endroits, de dénicher une faute de frappe (p. 297) ou de grammaire ("mais le pope à fait du bon travail", p. 329), et l'on regrettera sans doute quelques termes contemporains qui jurent avec l'univers hugolien ou zolien que reconstitue l'auteur.

 

Mais peu à peu, le charme opère : on veut suivre le comte Alexander et sa ravissante épouse, on veut savoir si ce terroir les engloutira, si la belle Auranka retrouvera un peu de joie de vivre, si les contrebandiers seront massacrés, si les nobles resteront riches et si les pauvres prendront le château.

En fin de compte, on sera plutôt content d'avoir lu Karpathia.

 

Le charme étrange de ce texte tient peut-être à sa précision : on songe à ces vastes dioramas que de braves officiers à la retraite composent, peignant chaque botte de chaque figurine.

L'auteur est, paraît-il, jeune. On ne peut que risquer un conseil : poursuivez, Monsieur, mais de grâce, manquez de soin !

 

Bertrand du Chambon

 

Mathias Menegoz, Karpathia, P.O.L, août 2014, 704 pages,  23,90 €

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