Bruno Deniel-Laurent, L'Idiot du Palais : Un premier roman réussi

Il s'appelle Dušan. C'est un serbe. Parmi ses « collègues », serviteurs du Palais, « l'Afrique noire dans les buanderies, les Indes musulmanes dans les cuisines, les Soudanais au service, les Maghrébines au ménage, les Philippines dans l'ombre du corps princier, etc. » Obéir à la lettre, se taire, obéir. Tout est grave au Palais.


La Princesse n'en est pas une, pas celle dont on rêve dans les contes de fée en tout cas. Peu l'approchent, un cercle de favoris. Dušan, lui, est affecté aux couloirs, à la sécu, comme on dit. Cette prison dorée des beaux quartiers de Paris, il l'aime, au moins pour l'argent qu'il y gagne. Tout y est protocole, caprices. Il se plie. En permanence, dans des couloirs déshumanisés, sans lumière du jour, sans paroles, sans rien. Dušan est un bon serviteur jusqu'au jour où arrive le Prince jusque là absent du Palais.


Il va grimper des échelons, Dušan, pour bons et loyaux services. Dušan, trop naïf, idiot. Avec d'autres, il embarque dans une Mercedes noire, direction Barbés, Pigalle, les quartiers chauds. Objectif : trouver une fille facile pour le Prince. Elle s'appellera Khadija. Echouée sur les boulevards extérieurs. Elle est pour le Prince. Sauf que Dušan la trouve belle. Là commence la liberté commandée. La fausse aventure entre deux étaux.


Bruno Deniel-Laurent, après une introduction un peu longue, nous fait voir un monde où soumission et « dictature » règnent en maître. Un monde d'esclaves modernes, un monde raciste. Un appel à la liberté, au non-conditionnement ? Un regard terrifiant sur le non-libre arbitre, sur la « bêtise » humaine, sur l'idiotie programmée. Dušan a besoin de son maître, de sa servitude et il ne s'en sortira pas de cette servitude. Coupable, rejeté, mis au pas, il recommencera, une nouvelle fois, ailleurs. Il est ce qu'il est, un point c'est tout. Le monde princier est à son image. Un désert d'ennui. De joug. Il ne sait que cela. Khadija, elle, est un piège pour le jeune homme, un leurre. Sa beauté va lui jouer des tours. Dušan ne se méfie pas assez. Incapable d'exprimer des sentiments, il s'enlise dans sa cour. Maladroit, il ne fait que la perdre. A chaque mot, un échec. Une passe, rien d'autre. Un premier roman réussi, une traversée d'un monde interlope menée haut la main.


Laurence Viémont


Bruno Deniel-Laurent, L'Idiot du Palais, La Table Ronde, août 2014, 140 pages, 16€


> Lire également la critique de L'Idiot du Palais par Frédéric Saenen

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.