Sérieuse, elle abuse !
Pour aimer Amélie Nothomb, il faut avoir su garder son
esprit d’enfance ou d’adolescence – et la part de puérilité qui va avec.
Quiconque de trop sérieux, de trop adulte, de trop mature passera à côté de ce vingt-quatrième
opus qui, le moins que l’on puisse dire, explore comme jamais les voies de l'immaturité régressive, incestueuse et aristocratique – trois mots qui ici virent au
pléonasme.
Au nom d’une prédiction qui
dit que le comte Neville assassinera un de ses invités lors de la dernière
réception qu’il donnera dans son manoir, la fille de celui-ci, la bien nommée
Sérieuse, lui demande de la tuer. Bien qu’évoluant dans un monde à la limite de l'absurde
depuis toujours, le comte a un peu de mal avec cette exhortation filiale pour le moins paradoxale. Au
moins était-ce Dieu qui demandait à Abraham de zigouiller Isaac et non le
fiston lui-même !
Mais la rhétorique
dogmatique de sa fille abusive, et dans laquelle on retrouve la meilleure
Nothomb, finit par l’emporter et le voilà obligé d’accomplir son destin, même
si on ne racontera pas ici les péripéties de ce noble belge, pris entre les
exigences contraires du devoir, de l’étiquette et de l’amour afin de préserver
le plaisir de lecture des intéressés que l’on espère nombreux.
Pierre Cormary
Amélie Nothomb, Le Crime du comte Neville, Albin Michel, août 2015, 144 pages, 15 €
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