Joyce Carol Oates, Daddy Love : La nuit du chasseur

Il a suffi de quelques secondes pour que dans ce centre commercial propret d’une banlieue du Michigan l’horreur arrive. Dinah tenait son fils de 6 ans, Robbie, quand elle a été attaquée sauvagement. À son réveil du coma, le petit n’est plus là et elle restera handicapée à vie. Prisonnier de Chet Cash, un prédicateur fou, Robbie va devenir Gideon et apprendre à obéir à celui qui se fait appeler Daddy Love. Un beau mec, adoré par les femmes, qui vit de la vente d’objets en macramé et cultive un lopin de terre. La nuit, il devient l’ogre, celui qui dévore les enfants et qui pour punir Gideon l’enferme dans une boîte en bois qui ressemble fort à un cercueil…

 

Sur le sujet périlleux de la pédophilie, Joyce Carol Oates choisit de décrire la psychologie du ravisseur ainsi que celle de l’enfant et les liens qui, malgré la peur, la violence, les unissent.

 

Comme toujours, l’auteur de Mudwoman excelle à sonder les corps et les âmes, à faire ressentir à la fois l’effroi des parents, qui jamais ne renonceront à Robbie, l’intelligence folle de Chet parfaitement intégré à sa petite ville et qui mène une vie sociale, tout en se révélant un parfait psychopathe. Il se désintéresse des enfants qu’il a kidnappés et les tue lorsqu’ils atteignent onze ans.

 

Mais dans ce livre dur, qui se lit d’une traite, comme en apnée, le plus intéressant reste la personnalité de l’enfant. Il essaye de survivre, avec l’aide d’un chien, de se rattacher à ses souvenirs, se révèle un génie en dessin, ne cherche pas à fuir. Daddy Love est celui qui protège, et aussi celui qui punit. Dieu et le Diable. Quand l’adolescence arrive, l’enfant commence à se rebeller. Arrivera-t-il à se sauver ?

 

Ce serait dommage de dévoiler la fin de ce roman qui pose avec finesse et tout le talent de la grande dame des lettres américaines le problème de la captivité, du syndrome de Stockholm. Peut-on guérir d’avoir vu un jour en face le mal absolu ?  

 

Ariane Bois

 

Joyce Carol Oates, Daddy Love, Philippe Rey, avril 2016, 267 pages, 18 €

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