Colum McCann, Treize façons de voir : L’origine de la violence

Au premier abord, voilà un livre curieux : il est composé d’un court roman en treize chapitres puis de quatre nouvelles. Dans le premier texte donc, Colum Mc Cann nous raconte le quotidien d’un juge new-yorkais à la retraite un jour de tempête. Mr Mendelsohn est las de tout, de la perte de sa femme, de son fils qui en est à son troisième divorce, des New-Yorkais qui conduisent comme des fous… Heureusement, il y a Sally, l’employée de maison qui comme tous les jours va l’emmener au restaurant où il a rendez-vous avec son fils. Mais ce jour de neige ne sera pas comme les autres et chacun dans l’entourage de Mr Mendelsohn sera convoqué pour tenter d’expliquer la mort du vieillard.

 

De la violence en ville, on passe ensuite à celle de la fuite d’un jeune garçon adopté et sourd sur la cote irlandaise, puis à une femme, Beverly, devenue bonne sœur qui découvre à la télévision celui qui en Amérique latine l’a enlevée, torturée et violée. Enfin la dernière nouvelle met en scène un jeune homme renvoyé d’un chantier pour drogue, qui va trouver un moyen de se venger mais sur un innocent.

 

Qu’ont en commun tous ces personnages ? Ils sont à la fois fragiles et forts, déterminés et impuissants face à leurs difficultés. Confrontés au pire, à l’arbitraire, à la dureté de la vie, à la perte ils ne perdent pas espoir dans le genre humain. Comme dans Et que le vaste monde poursuive sa course folle, l’écrivain irlandais qui vit désormais à New York manie une plume limpide, des phrases qui coulent et dansent entre elles, et fait vivre des personnages à travers des situations complexes sans jamais donner l’impression de peiner. Le personnage de Mr Mendelsohn, juif lithuanien de Vilno arrivé en France puis à Dublin avant de finir en Amérique symbolise à lui seul tout le vingtième siècle, avec ses horreurs et ses exils successifs. Mc Cann l’aime et nous le montre dans sa fragilité, ses hésitations de vieil homme dépendant. La violence faite au corps mais aussi à l’âme scande ce beau recueil que l’écrivain venait de terminer quand il a été lui-même attaqué dans une rue du Connecticut en tentant de porter secours à une femme.

 

McCann est donc quelqu’un de bien, mais cela, en le lisant, on le savait déjà.

 

Ariane Bois

 

Colum McCann, Treize façons de voir, Belfond, février 2015, 320 pages, 20,50 €    

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