L’absente de Lionel Duroy : la mère au cœur

Le dernier livre de l’auteur du Chagrin commence avec son double, Augustin, aux abois : il a dû vendre sa belle maison du Pertus car fraîchement divorcé, il n’a pas eu les moyens de l’acheter à son ex-femme, et il prend la route, embarquant avec lui quelques souvenirs de ses filles, de sa famille, sans but, seul et esseulé. 

 

Derrière ce naufrage intime, renaît l’histoire familiale que les lecteurs de Duroy connaissent bien : le père incapable, la mère hystérique et dix enfants pris au piège d’un couple mal assorti et bringuebalant, passant des splendeurs de Neuilly à un taudis en banlieue ouvrière. Est-on condamné à rejouer les drames de ses parents ?

 

Pour échapper à la malédiction familiale, Augustin rencontre dans ce road movie drôle et désespéré des gens qui lui permettent au fil des kilomètres de tenir debout : un couple de provinciaux fous de vélo comme lui, Sarah Saber qui a lu tous ses livres et s’offre à lui sans condition. Pour celui qui se rêvait en héros, la route est longue mais lui permet de revenir sur son frère aîné, « ce sale con », son père, petit baron vichyste et antisémite dépassé par sa famille gigantesque et surtout sa mère, hystérique bourgeoise déclassée, incapable d’aimer ses enfants et obsédée par le culte du paraître.

Introspection, exploration de la honte intime, enquête sans concession, Duroy comme dans Échapper ou Vertiges ne s’épargne guère. Il se montre en père distant, en mari exécrable, en angoissé de la vie qui a perdu ses femmes, son fils et mourra seul, comme son père, d’un cœur trop mis à contribution.

 

Mais c’est compter sans l’écriture qui permet de tenir, d’avancer, de faire la nique au destin tout tracé : on assiste à la naissance d’un livre sur sa mère et derrière les plaintes, les regrets, les remords, on voit poindre une meilleure compréhension pour celle qu’il a enterrée sans verser une larme.

 

Puissant roman de l’intime et de l’introspection, l’absente est aussi un livre-cercueil pour dire enfin l’amour qui le lie à ses parents.

 

Ariane Bois

 

Lionel Duroy, L’absente, Julliard, août 2016, 360 pages, 19,50 €


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