Les furies, de Lauren Groff : Autopsie d’un mariage

Recommandé par Barack Obama comme le livre de l’année, le troisième roman de cette romancière de 38 ans raconte le couple et ses vilains petits secrets.

 

On n’a pas l’habitude de voir un Président américain recommander ses lectures, surtout si l’auteur se revendique féministe. Pourtant le Président sortant l’a fait et le succès planétaire du livre de Lauren Groff qui s’en est suivi a de quoi intriguer : 30 traductions au compteur, un projet à Hollywood et une presse baba d’admiration.

 

Le roman commence comme un conte de fées moderne : Lotto, de son vrai prénom Lancelot et Mathilde sortent de l’eau, ils sont beaux, modernes et viennent de se marier, après avoir fait connaissance il y a quinze jours seulement. Lotto, puisque c’est ainsi qu’on le surnomme possède tous les privilèges, un père richissime et une mère séduisante qui faisait la sirène dans un parc d’attractions avant de connaître celui-ci, du charme, de la culture. D’ailleurs il cite sans arrêt Shakespeare et veut devenir acteur. De Mathilde, on ne sait pas grand-chose sauf qu’elle sent en son mari le grand homme qu’elle va faire éclore, présence fidèle et discrète. 

 

Dans la première partie, les fêtes glamour se succèdent en fondu enchaîné, les copains, les séances de jambes en l‘air aussi : ode à l’amour conjugal, Les Furies explore ce qui fait tenir un couple, affronter les déceptions et les échecs : Lotto, si doué, n’arrive pas à percer Une nuit, en transe, il écrit une pièce ; ce sera enfin un succès et la reconnaissance mondiale. Dans une écriture riche et scintillante, lyrique et ironique, avec des phrases comme « un monde de lait chaud avec sa peau de brouillard matinal à la fenêtre », Groff décrit l’équilibre mystérieux et fragile, l’osmose entre les deux protagonistes. Pour une fois, l’adultère n’est pas évoqué une seule fois et franchement cela nous repose !

 

La deuxième partie, plus sombre, raconte le mariage du point de vue de Mathilde. Le ton se fait crépusculaire, les confidences se suivent, les trahisons aussi : que sait-on vraiment de l’autre ?

 

La construction est virtuose, chaque moment de l’histoire du début est contredite, chaque situation minée : une Mathilde très différente émerge entre cruauté et ironie, amour véritable et dissimilation. Groff fait alors voler en éclat le mariage, les conventions, critiquant aussi au passage une société des happy few. La mariée finalement était en noir et les apparences magistralement trompeuses. « Le couple, explique la nouvelle surdouée des lettres, c’était mathématique. Pas additionnel, mais exponentiel. » CQFD.

 

Ariane Bois

 

Lauren Groff, Les Furies, l’Olivier, janvier 2017, 420 pages, 23,50 €

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