Un pas de danse de Pierre Vavasseur : Tendre randonnée

Ils sont les héritiers d’un journalisme à l’ancienne, celui où l’on privilégiait les histoires aux people, les faits aux spéculations vaines, celui de Kessel, de Pierre Lazareff, celui de l’âge d’or aussi d’une profession aujourd’hui sinistrée.

 

Celui qui raconte s’appelle Basile Lallemand, journaliste à Tout Voir, un journal culturel qui a connu ses heures de gloire avant l’arrivée d’un homme de com chargé de tout changer, de tout abimer diraient certains. L’autre, c’est Elias Luisett, un photographe qui a tout vécu, du Liban en guerre à l’Afrique poussiéreuse, qui a côtoyé le grand Kessel et le Che. Tous les deux auraient dû partir à la retraite, quitter le navire d’un journal qui ne leur ressemble plus, mais ils vont embarquer pour une curieuse aventure : retrouver un certain mystérieux Corneille Vagabond, auteur en Lozère, sur lequel on ne sait rien, d’une immense biographie de 1500 pages du poète René Char.

 

Chacun est un grand blessé du cœur : Basile accumule les aventures, depuis la mort de son Alice chérie, avec des femmes aux nuques envoûtantes douées pour le malheur. Elias, lui, défie la mort depuis qu’il a reçu une balle en pleine poitrine qui s’y est logée pour ne plus ressortir. Tous les deux vont prendre la route et retrouver la France des petits hôtels, des rencontres de hasard avec un bucheron ou une patronne de bar, des villes assoupies dès 19 heures, des apéros aussi car « un journaliste, ça boit ».

 

Roman d’une infinie douceur et d’une nostalgie redoutable, Un pas de danse du journaliste Pierre Vavasseur est un petit miracle d’écriture et de beauté. Basile, le dernier romantique, envoie à une certaine Fleur un éléphant par jour puisqu’elle aime cet animal, tout en citant Beckett, Rimbaud ou Gary, tandis qu’Elias, le taiseux fait ressortir toute la séduction du monde à travers ses clichés.

 

Ode à la liberté, à l’amitié virile, à un temps où les journalistes étaient des rois, le livre se déguste lentement, page par page, pour ne rien laisser passer de sa poésie et de sa fantaisie. Pas de danse ou de côté ? À la fin, il est question de Marlou, un pigeon ramier sauvé, d’une visite au cimetière, de deux amis qui doivent se séparer. Trois fois rien, mais ce rien nous reste longuement en tête, tout comme l’hommage à René Char à qui cette histoire légère et profonde à la fois aurait sûrement plu.

 

Ariane Bois

 

Pierre Vavasseur, Un pas de danse, Lattés, février 2017, 207 pages, 18 €    

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