François Cérésa : Les secrets irrésistibles de l’amour éternel

Imaginez un peu la scène : vous êtes le 31 décembre, occupé comme il se doit aux festivités prochaines. En couple et plutôt malheureux. Le désir s’est en effet émoussé et 35 ans après, il ne reste plus grand-chose de la fête des sens avec la belle Mélinda.

Ambiance morose, acrimonie et hargne entre les anciens amants. On dirait du Philip Roth dans le registre grinçant, problèmes de prostate pour monsieur et air défraîchi chez madame. Autre comparaison, cinéphile celle-là : Le Chat avec Jean Gabin et Simone Signoret plus que Les félins avec Jane Fonda. Quand soudain, juste avant le réveillon on sonne à la porte : c’est la Mélinda de votre jeunesse, de votre fougue amoureuse qui s’invite ainsi jusque dans vos bras !

Formidable début d’un roman qui prend ensuite la forme d’un road trip à travers l’Europe de la beauté et du cinéma. Les deux amoureux, l’un déjà âgé, l’autre d’une jeunesse insolente, vont en effet voyager sept fois, en prenant le prétexte d’un scénario à écrire de concert, de Capri à Bruxelles, d’Evian à Annecy, de Malaga à Cabourg. De Bardot à Gilda, des Tontons flingueurs à Senso aussi.

Une ode aux années 60 et à leur liberté, placée sous le signe du soleil, de l’amitié, des acteurs lorsqu’ils étaient des stars. Sans oublier la gastronomie car nos amants, loin de se contenter des plaisirs du lit, ont tous les appétits. On croise beaucoup de monde, du beau monde dans cette utopie charmante, des stars incontestées, des anonymes passionnés, des chefs étoilés hélas disparus, des étreintes gaillardes.

Avec jubilation et sensualité, l’auteur de Poupe, magnifique roman sur son père, nous fait partager quelques-unes de ses obsessions, de son Panthéon personnel, Vienne et Zweig, les westerns spaghettis et la mer à Antibes, Cabourg et Proust. Il y a des filles girondes qui aiment l’amour, des copains qui s’éclipsent, des plats qui méritent tous les adjectifs.

À l’heure des romans qui n’en finissent pas de se regarder le nombril, voilà une prose qui nous réconcilie avec une certaine idée de la littérature, conçue ici comme un exercice d’admiration personnel. À la fin, la question du miracle de l’amour retrouvé ne sera pas élucidée et c’est très bien comme cela.

Ariane Bois

François Cérésa, L’une et l’autre, Le Rocher, février 2018, 217 pages, 17 €

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