Couleurs de l’incendie de Pierre Lemaitre : La vengeance d’une femme

Quel plaisir de retrouver Madeleine Péricourt, son jeune fils Paul, son oncle Charles, Gustave Joubert, l’homme de confiance ou André, l’amant de Madeleine : Pierre Lemaitre a la bonne idée de nous raconter la suite d’Au revoir là-haut et le résultat est époustouflant.

Pourtant, quand le récit commence, l’ambiance est au chagrin : la maison Péricourt est en deuil : sept ans après le suicide de son fils Édouard, Marcel Péricourt, le banquier d’influence vient de mourir. Madeleine doit s’occuper des obsèques de son père quand un évènement d’une gravité extrême vient bouleverser la cérémonie.

Comme dans le Goncourt, Lemaitre excelle dans ses premiers chapitres : on reste captivés, incrédules avec l’envie d’en savoir plus, tant empathie et machiavélisme nous accrochent.

Madeleine se retrouve confrontée à de nombreuses difficultés, à un revers de fortune particulièrement brutal et à des aléas personnels et familiaux terribles. Léonce, son amie de toujours, est-elle bien celle qu’elle croit ? Charles, son oncle, a-t-il les intérêts de la famille à cœur comme il le prétend, André le précepteur est-il une présence bienvenue dans la famille et dans le lit de la jeune femme ?

Dans ce magnifique portrait de femme, Lemaitre nous dévoile la vengeance implacable de celle qui ne peut pardonner l’impardonnable et qui va, pendant une décennie, ourdir le plus incroyable des complots. On ne la trouve pas particulièrement sympathique, Madeleine, mais on ne peut que s’incliner devant sa détermination ; se soumettre ou survivre, elle va devoir choisir.

Comme toujours, l’auteur excelle dans la description de l’air du temps, de la corruption des années 20 au parfum de xénophobie des années 30, de l’affairisme de quelques-uns à l’ambition des autres. On retrouve ainsi Gustave Joubert, l’ancien PDG du groupe Péricourt, rejeté par Madeleine et prêt à le lui faire payer, André le précepteur qui deviendra un grand journaliste attiré par l’extrême droite, la ravissante Léonce en courtisane…

Pour chacun des personnages, la roue tourne et tous devront payer le prix de leurs actions et de leurs forfaits. Il sera question d’un mystérieux carnet suisse, de secrets industriels vendus à l’Allemagne nazie, de fraude fiscale, de naissance de la publicité, d’une nounou polonaise peu farouche, de députés véreux…

En dire plus serait criminel tant on prend du plaisir à cette fresque qui montre une fois de plus l’étendue du talent à la Zola de Lemaitre, feuilletoniste et narrateur d’une saga familiale dont on attend déjà le troisième tome avec impatience.

Ariane Bois

Pierre Lemaitre, Couleurs de l’incendie, Albin Michel, janvier 2018, 532 pages, 22,90 €

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