Le chagrin d’aimer de Geneviève Brisac : Chronique d’une déception

C’est une maman pas comme les autres, une créature nommée Mélini qui parle dans une langue étrangère, fume à la chaine et en toutes circonstances, une femme qui hait les bébés et le dit. Elle a tout oublié de la naissance de sa fille, refuse de payer pour quoi que ce soit et se comporte parfois comme une sorcière orientale.

Elle, c’est la fillette, une enfant apeurée qui aimerait tant retenir sa mère, l’empêcher de commettre des excentricités, de vamper les policiers ou les autres hommes que son mari. Une enfant qui en voit trop, en entend encore davantage et qui très tôt va se rendre compte que dans le cœur de sa mère, il n’y a pas beaucoup de place pour sa descendance.

En chapitres courts et incandescents, Geneviève Brisac met ses pas dans ceux de sa génitrice et la suit, de l’enfance aux derniers jours de la vieillesse. Née d’une mère danseuse orientale et apatride, rêvant d’un bel avenir de princesse arménienne, la jeune femme est abasourdie de se retrouver mariée avec Michel, un homme ordinaire qui n’a pas l’étoffe de ses rêves. Elle lui fera payer cette forfaiture, détestant tour à tour « les gens » comme elle les appelle, les amies de sa fille qu’elle raille méchamment, les femmes en général.

Un portrait cruel et triste se dessine alors, de l’Empire ottoman au moment du génocide arménien aux collines de Fiesole, des dieux grecs à la solitude d’un appartement du 17e arrondissement de Paris, de l’éblouissement de la jeunesse de cette inconnue jusqu’à sa mort sur une route de Seine et Marne, dans un accident de voiture.

L’amour affleure, comme les regrets et l’incompréhension. Un texte beau et fort sur les liens qui nous relient, à travers les irrémédiables pertes, à ceux qu’on aime. Malgré tout.

Ariane Bois

Geneviève Brisac, Le chagrin d'aimer, Grasset, février 2018, 157 pages, 16 €

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