L’avancée de la nuit de Jakuta Alikavazovic : L’art de la fugue

Couronné par le Prix Castel du roman de la nuit, un roman incandescent sur la guerre et le manque.

« Elle était de ces gens qui détruisent tout et appellent ça de l’art. »

Dès les premières lignes, le ton est donné : Amélia, le personnage principal de ce roman touffu et mystérieux n’est pas une femme ordinaire ; rousse incandescente, riche héritière, elle réside à l’année dans la chambre 313 de l’hôtel Elisse, hermétique aux rumeurs sur son passage, sombre et volatile. Paul, qui l’observe à travers les caméras de surveillance dans son job de gardien de nuit, est l’opposé : pauvre, taiseux et à la dérive. Ces deux-là vont néanmoins s’aimer, d’un amour impossible. Tels des fantômes, ils cherchent la lumière, et comme des étudiants, ils jouent à être adultes. Mais bientôt les secrets, le mystère avance, telle la nuit sur la ville et Amélia fuit, hantée par le passé.

« Être amoureuse, déclare-t-elle, à Paul, c’est une façon de ne pas vivre. »

La jeune fille enquête sur sa famille disparue, sur cette guerre civile dans l’ex-Yougoslavie, sur sa mère artiste partie à Sarejevo.

Avec des phrases d’une poésie métaphorique qui tisse les mots telle une orfèvre, une puissance d’évocation rare à la beauté capiteuse et une richesse narrative, l’auteur du très remarqué La blonde et le bunkernous parle des mères absentes, des blessures du siècle passé, de l’impossibilité de croire encore à quelque chose.

Dés les premières lignes, Amélia, nous apparaît, happée par le doute, l’hésitation, parée de mille légendes. Un texte précis et exigeant, dont il faudrait relire des passages et les noter tant ils rayonnent littérairement.

« Ce qu’ils recherchaient c’était la nuit, ce que la nuit faisait à la ville, à ses parcs, a ses musées… il faudrait rendre son obscurité à la nuit. » Magnétique.

Ariane Bois

Jakuta Alikavazovi, L’avancée de la nuit, L’Olivier, août 2017, 288 pages, 19 €

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