Robert Badinter, Idiss : Lettre d’amour

Robert Badinter prend la plume pour évoquer sa grand-mère et le résultat nous fait monter les larmes aux yeux. Jeune mariée dont l’époux a été enrôlé dans l’armée du tsar et qui élève seule ses deux fils, Idiss a du caractère, de la beauté et une simple ambition : le bonheur de ceux qu’elle aime.

De son couple avec Schulim dans le shetl (le village) de Bessarabie jusqu’à sa condition de veuve devenue Française et vivant dans un arrondissement chic avec sa fille, on suit la trajectoire de cette femme courageuse qui comprend très tôt le danger du nazisme et souhaite que sa famille soit mise à l’abri. 

L’auteur nous parle des menues choses de l’existence, de l’allumage des bougies le vendredi soir, d’un croissant partagé sur un banc parisien et c’est tout un monde qui renait : celui des juifs du Yiddishland (l’Europe de l’Est) imprégnés des idéaux de la Révolution française et de la république. Pour les Badinter, ce sera l’exode à cause des pogroms et de l’antisémitisme, Paris, et les efforts pour gagner sa vie dans la fourrure et s’élever dans l’échelle sociale. 

Idiss ne savait pas lire et devant une fable de la Fontaine récitée par sa fille, elle fond de joie et de reconnaissance. La France qui leur a tant donné ne pourra jamais les blesser ! La suite, on le sait, ce fut Vichy et les terribles lois d’octobre 1940 que Robert Badinter en juriste nous rappelle avec accablement, car jamais en France les juifs depuis un siècle et demi n’avaient connu de telles menaces. Idriss, malade, reste à Paris pour y mourir tandis qu’une partie de la famille cherche à se mettre à l’abri. En pure perte, car le père de Robert, Simon fut arrêté sur ordre de Klaus Barbie et déporté à Sobibor, tandis que sa mère, âgée de 79 ans, mourut dans le train qui la conduisait à Auschwitz et qu’un des oncles, Naftoul n’est pas non plus revenu de l’enfer. 

L’auteur nous parle d’eux, de leur force et de leur bonté et on a l’impression de les avoir toujours connus. 

On n’oubliera pas Idriss, cette grand-mère si bien racontée par son dernier petit- fils, celui qui l’aimait tant. 

Ariane Bois

Robert Badinter, Idiss, Fayard (octobre 2018), 227 pages, 20 €

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.