Philippe Besson et un train dans la nuit

Par une belle soirée d’avril, l’Intercité n°5789 s’élance de la gare d’Austerlitz pour celle de Briançon qu’il devrait atteindre au lever du jour. Il embarque 123 passagers, mais prévient l’auteur, tous ne survivront pas. D’emblée le lecteur imagine une intrigue façon Agatha Christie dans l’Orient Express, mais pas du tout. 

Les voyageurs sont plus modestes, ils ont choisi ce train de nuit parce qu’ il est moins cher par nostalgie ou encore parce qu’ils ont raté le précédent. Il y a parmi eux un médecin et un joueur de hockey, un représentant de commerce, une chargée de production, un couple de retraités, cinq jeunes étudiants.
À part ces derniers, aucun ne se connaissait avant. Ils n’ont rien en commun, ni l’âge, ni les métiers ni les préoccupations. L’un va vendre la maison de sa mère décédée, un autre retrouver sa fiancée, les retraités s’octroient une semaine de vacances, l’employée de la maison de production va rejoindre sa mère...

Tous les personnages sont touchants, la funeste prédiction liminaire est oubliée jusqu’à la tragédie brutale dont le responsable est pourtant cité dès le début au détour d’une phrase.

Dans ce huis-clos, Philippe Besson dont c’est le vingt et unième roman excelle.  Alors que le train fonce dans le noir au milieu de paysages plus devinés qu’entrevus, traverse des gares fantômes, le dialogue va se nouer entre certains, des affinités se dessiner, l’ébauche d’une histoire d’amour s’amorcer. 

Au fil des heures et des pages, à la faveur de l’obscurité, les confessions les plus intimes se dévoilent. Il est plus facile de se livrer à des inconnus qu’on ne reverra probablement jamais qu’à ses proches, les noctambules et les insomniaques le savent bien. L’un est très malade, une autre a été battue par son ex-mari, un troisième découvre son attirance pour les hommes, un quatrième aux abords un peu lourds se révèle d’une grande finesse. 

L’angoisse, la crainte ou au contraire, l’espoir d’un avenir radieux s’expriment entre étrangers dans la nuit qui protège.
Dans le voyage si lent du début puis dans le chaos brutal de la fin, les masques tombent, la réalité humaine se dévoile et le lecteur se prend au jeu des bouleversantes confidences entre voyageurs guettés par le destin impitoyable. 

 

Brigit Bontour

Philippe Besson, Paris-Briançon, Julliard, janvier 2022, 208 p.-, 19 €

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