Ornithologue avec fillette extra-terrestre et passereaux

Dans cette immense nature américaine – les forêts de l’Illinois – qui envahit depuis longtemps la littérature d’outre-Atlantique, un nouveau portrait de fillette vient de surgir. Voici une gamine si étrange qu’on la comparerait volontiers à la Turtle du chef-d’œuvre de Gabriel Tallent, My absolute Darling, elle aussi immergée en des paysages intouchés, mais la similitude s’arrête là : ici, la petite Ursa, neuf ans, ne pratique pas le tir au pistolet mais en revanche, provient d’une galaxie lointaine – dit-elle – et atterrit en pleine nuit dans le jardin de Joanna Teale surnommée Jo, fervente ornithologue qui se remet d’un cancer qui lui aura coûté certaines parties de son corps.

Ursa est une fugueuse, avec des marques de violences et des bleus un peu partout. Entre la fillette cabossée et la jeune femme en rémission va naître une amitié gigantesque, une compréhension si exceptionnelle qu’on devine assez tôt que la gamine est surdouée. Par chance, un autre surdoué se balade dans la région, Gabriel Nash dit Gabe, dissimulant ses traumatismes en vendant des œufs au bord de la route et en se consacrant à une ferme en ruines. Ces trois êtres vont se rapprocher et tenter de s’accepter tels qu’ils sont ; ce qui rend les choses assez difficiles, c’est que personne ne réclame la petite Ursa, qui paraît ne provenir de nulle part, et dont le shérif du secteur ne veut surtout pas s’occuper. Jo et Gabe vont recueillir la petite, qui passe d’une maison à l’autre et aide aux recherches concernant le « passerin indigo » et sa « viabilité » dans un environnement sauvage.

Plus la solitude de Jo et la dissimulation d’Ursa progressent, plus la fillette semble avoir dit la vérité : elle vient d’une autre planète, elle a des dons surprenants et apprend toute chose à une rapidité ahurissante. Et si elle est une enfant humaine de la région de Turkey Creeks, comment est-il possible que personne ne s’inquiète de sa disparition ?

Tout l’art de Glendy Vanderah, elle-même ornithologue, consiste à ménager ce suspense, à nous laisser étudier de près Jo et Gabe qui, malgré leurs traumatismes respectifs, tentent maladroitement de se rapprocher, tandis que la fillette essaie de les aider, comme si elle était l’adulte et eux, les enfants, ou les oisillons dans leur nid.

On se doute bien que des autorités (terriennes) vont forcément survenir, et la fin du roman réserve quelques surprises de belle taille. Très émouvante et prenante, l’intrigue de Glendy Vanderah est soutenue par un style fluide et, chez nous, par une bonne traduction, qui sait différencier toutes sortes de volatiles : Sur le retour vers la voiture, Jo expliqua à Ursa que les vachers à tête brune pondaient leurs œufs dans les nids des autres espèces pour pratiquer ce qu’on appelait le parasitisme de couvée, afin que d’autres oiseaux hôtes élèvent leurs petits.

Nous apprendrons sans doute à la fin qui a bien pu pratiquer le parasitisme de couvée en ce qui concerne la petite Ursa, et saurons si les autorités de l’Illinois peuvent se montrer humaines, ce qui aurait le mérite de nous étonner. Donc, après avoir dévoré Gabriel Tallent selon mes recommandations récentes, vous allez vous plonger dans les étranges forêts de Glendy Vanderah.

Bertrand du Chambon

Glendy Vanderah, Là où les arbres rencontrent les étoiles, traduit de l'anglais (États-Unis) par Laura Bourgeois, Éditions Charleston, janvier 2022, 429 p-., 22,50 €

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