"Mort aux cons" - Contrairement à l'idée répandue, les cons ne sont pas réformables

« Contrairement à l’idée répandue, les cons ne sont pas réformables ; les campagnes de prévention ou les actions pédagogiques n’ont pas de prise sur eux… »

Le titre tout d’abord : Mort aux cons. Un titre qui interpelle et qui au regard de la couverture, nous laisse perplexe. Certains diront qu’il est déconcertant voir un peu vulgaire… pourtant il résume parfaitement non seulement le sujet du roman mais aussi l’action du narrateur : « Ce qui nous pèse au quotidien, c’est de devoir composer. » Autant appeler un chat, un chat et un con, un con. Le titre accroche donc le regard et déclenche la curiosité qui se transforme en trouble à la lecture du quatrième de couverture « Qui n’a jamais rêvé de tuer son voisin le dimanche matin quand il vous réveille à coups de perceuse ? Ou d’envoyer dans le décor l’automobiliste qui vous serre de trop près ?... ou cet imbécile garé en double fil qui bloquait la circulation alors que l’on ( moi en l’occurrence) est déjà en retard. Avant même d’avoir commencé ce livre, nous reviennent en mémoire toutes ces petites choses, actions des autres qui déclenchent en nous une bouffée quasi incontrôlable de colère que nous réprimons en raison du sens des convenances…. « Le héros de cette histoire, lui a décidé un jour de passer à l’action. »

« Je », le narrateur, est un trentenaire coincé entre une conjointe en demande, des petits boulots par intérim, des voisins envahissants et les soirées télé. Tout bascule devant une émission de télé que les lecteurs reconnaîtront sans aucun doute, où l’animateur s’apitoie sur la disparition de Roméo (un épagneul) et sur la nécessité pour ses maîtres de faire leur deuil grâce à « la représentation concrète de l’événement traumatique. » Devant tant de bêtises, le narrateur franchit le cap et balance Zarathoustra, le chat de la voisine ad patres par la fenêtre. La disparition du félin provoque un élan de solidarité dans le voisinage : cette première disparition entraîne un déclic chez le héro qui se donne alors pour mission de tuer tous les animaux du quartier pour amplifier cet élan. Puis, il en vient à la conclusion que le vrai problème ne vient pas de l’animal mais de son maître : le « con. » Il se lance alors dans une véritable entreprise philanthropique : débarrasser l’humanité des cons. Et autant vous dire tout de suite, qu’il y en a un sacré nombre. 140 victimes toutes différentes les unes des autres tombent sous le poing vengeur du narrateur : les vieux, les voisins, les DRH, le bricoleur du dimanche, la voyante, le psy, les parents démissionnaires et j’en passe …

Au fur et à mesure de son action, il élabore une véritable théorie sociologique de la connerie (et non pas bêtise car les deux sont bien à différencier) et rationalise sa démarche de façon effrayante allant jusqu’à dresser une typologie de ses victimes : le con joint qui pourrit la vie de son compagnon, le con vecteur qui propage la rumeur, le con tracté qui s’énerve au volant, le con casseur qui sévit en banlieue… Le récit est ainsi parsemé de remarques, postulats et corrélats donnant sa légitimité à la réflexion du héro. Mais le grand théoricien de la connerie trouve ses limites avec sa 140e victime. Il finit en effet par tuer le seul compagnon qui semblait le comprendre et dont il admirait les compétences intellectuelles : l’inspecteur Marie. La théorie s’effondre et le tueur fond en larmes : « j’avais tué comme un con qui se sent trahi. Comme un con qui veut échapper à la prison. »

Certains pourront trouver ce roman, obscène, violent et dénué de morale et pousseront même jusqu’à dire qu’il n’est pas à mettre entre toutes les mains, mais c’est nier la dimension cathartique du roman : rentrons-nous dans une des catégories élaborées par le narrateur ? Utilisons- nous le maigre pouvoir qui nous est conféré pour accabler nos congénères ? Pourrais-je être ce « je» ?

La représentation dans ce roman, d’idées ou d’actes résultant de la frustration humaine quotidienne nous permet de nous défouler. De plus, tout est bien qui finit bien et le renversement de la fin permet de sauver la morale…

Le premier roman de Carl Aderhold est donc plutôt réussi, il attire, excite la curiosité, se lit facilement — et rappelle par son sarcasme les grands romans de Donald Westlake (notamment Le Contrat et Le Couperet). Il reste difficile de le classer : un comédie humaine, satyre grinçante, fable philosophique….. C’est un mélange des genres qui peut permettre de passer un bon moment. Léger bémol : le roman traîne un peu en longueur sur la fin et lasse dans les cent dernières pages avant le bouquet final.

Julie Lecanu
 

 

Carl Aderhold,  Mort aux cons, livre de poche, février 2009, 409 pages, 7,10 euros (hachette littérature, septembre 2007, 412 pages, 19 euros)

 

 

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