Eroticortex de Thierry Maugenest

Thierry Maugenest n'est pas le plus sérieux de nos auteurs, et on aurait bien tort de vouloir le changer. Après Les Rillettes de Proust, et différents polars dont une très intéressante lecture du Code Voynich, le voici qui mène l'enquête dans le complexe d'un grand laboratoire pharmaceutique où un génial savant fou, nobélisable, s'amuse à triturer le cortex de ses cobayes pour approfondir la connaissance de l'humanité et enrichir son employeur. 

Connu pour ses recherches novatrices, le professeur Carrington s'attaque au plus profond du cerveau humain et tente d'abord, avec succès, de localiser — et de contrôler — l'aire de Dieu, petite masse cérébrale qui est à l'origine du sentiment religieux plus ou moins exacerbé chez certains. Scandale ! manifestations mondiales ! menaces de mort ! mais cela n'arrête pas Carrington, qui vit quasiment dans son laboratoire, de plus en plus gardé. Il veut toujours en savoir plus, et découvrir les aires de la bêtise, du sentiment politique, et de l'amour...

« La religion et le sentiment amoureux entravent chacun à leur manière la liberté des individus. Quand il ne portera plus ces deux fardeaux, l'être humain sera le premier homme véritablement moderne, sans dieu ni aucun sentiment de dépendance vis-à-vis d'autrui. »


Un roman de bruits de couloir...

La narration de ce roman, qui ne se prend pas au séreux mais ne s'empêche pas de dire beaucoup de choses cependant, est assez amusante en elle-même : elle est constituée d'une alternance de conversations de couloir ou devant la machine à café, et d'articles de presse ou d'interviews de Carrington. Comme si tout était de seconde main, et déformé par la portée même des on-dit. Et plus Carrington avance dans ses recherches, tout en se fichant voire s'amusant des conséquences (un moine devenu acteur porno, un démocrate devenu Républicain, un crétin devenu triste et soucieux de connaissances, un cobaye qui ne peut parler qu'en adverbes, invariablement), et les bruits de couloirs portent sur ses propres vices plutôt que le fruit de ses recherches, à moins que les uns se nourrissent des autres...

Mais les recherches du professeur sont-elles uniquement portées par le besoin de comprendre et d'avancer dans la connaissance, ou bien est-ce la présence à ses côtés de la sulfureuse Ayumi, qui l'assiste dans ses recherches, qui le pousse a essayer de comprendre et de la contrôler ? S'il contrôle le cerveau, il peut la contrôler elle, qu'il désir tant... Les bruits les plus malsains courent sur ce sujet, même des paris sont lancés ! mais au final, le professeur Carrington ne travaille-t-il pas qu'à l'aboutissement de ses propres désirs ?

Roman sur les apprentis sorciers, bourré d'humour et de matière à réflexion, Eroticortex vaut beaucoup mieux que son titre, c'est un excellent moment de lecture, réjouissant d'intelligence et de drôlerie. 


Loïc Di Stefano

Thierry Maugenest, Eroticortex, JBZ&Cie, Janvier 2012, 133 page, 15 euros

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.