Jeu de Pistes, beau roman sur la quête de l'origine et jeu littéraire par Marcel Theroux

Quand il apprend la mort de son oncle, Damien March se souvient soudain qu'il a existé, et que toute une partie de sa vie avec lui. Les funérailles, c'est revoir une partie de la famille enfouie dans un passé brumeux, revoir l'île si isolée du monde qu'elle n'attire que les riches qui s'y peuvent abriter des fracas du monde et conserve comme un musée vivant les signes d'un temps révolu, à l'exemple de cette langue des signes utilisée nulle part ailleurs dans le monde. Mais c'est aussi apprendre à admettre l'existence de son père et de son frère, deux personnages éminents quand lui n'a pu devenir que chroniqueur pour un journal de la nuit et vivre à l'envers du monde... 


Contrairement à toutes attentes, c'est Damien qui hérite de la maison, sorte de musée érigé à la propre gloire de l'oncle, avec un codicile suspensif : ne rien changer, ni à la structure, ni à la décoration. Et c'est dans la vie d'un autre que Damien va se plonger, mais comme il n'a rien de mieux à faire, c'est aussi l'occasion de passer un bel été à se chercher un peu, prendre le temps de se poser et de faire le point sur sa vie.

« m'épargner mon rôle dans la perpétuation de la folie d'un mort »

Mis en face de son passé, Damien commence à s'intéroger tout naturellement sur cet oncle à la fois si étrange et si attachant, et confronte à la fois les images qui lui reviennent aux histoires qu'il apprend et aux témoins qu'il rencontre.

Au fil du récit, plusieurs thématiques se mettent en place, notamment celle des rapports fraternels. Entre le père de Damien et l'oncle. Entre Damien et son propre frère. Entre Sherlock et Mycroft Holmes, personnage littéraire qui va servir de fil conducteur de toute l'intrigue et concentrer notre attention jusqu'au moment où l'on comprend enfin, dans les va-et-vient a priori sans fondement et dans l'oisiveté la plus crasse, que se cache le secret de ce roman. 

« La maison était un traquenard »

L'écriture est vraiment belle, prenante, et les ruptures crées par les enchâssements de récits, les manuscrits retrouvés, les souvenirs, forment une mosaïque qui dessine petit à petit les traits d'une quête qui ménera à découvrir l'histoire même du narrateur. C'est un très beau roman, très maîtrisé autant pour la construction, le secret tenu jusqu'au bout et la qualité même de l'écriture.


Loïc Di Stefano

Marcel Theroux, Jeu de Pistes, Plon, "feux croisés", novembre 2011, 238 pages, 21 euros

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.