Le Silence des Abeilles, roman charge contre les archétypes suisse

Daniel de Roulet est Suisse, et il ne semble pas s'en remettre. Tout dans ce roman est une charge contre les archétypes issus directement de ses propres réalités
.

Sid est le fils de vieux baba cool complètement en dehors du monde. Balloté par les expériences de vie, d'une école d'art aux grandes plaines américaines où voyager avec ses ruches pour fertiliser les champs, des congrès des puissants aux grands vide du rien, Sid vit beaucoup d'expériences mais au final semble revenir, comme nu et vierge, à ses propres fondamentaux et à ceux, connexes, de l'humanité.

Les petites aventures de Sid coïncident avec des faits majeurs de l'actualité mondiale moderne, et toujours les informations nous sont transmises comme en passant, à la manière d'un Forest Gump helvétique. Ce détachement est une manière comme une autre de s'inscrire au monde, et de montrer, pour le romancier, que son personnage est vraiment perdu. Car la qualité fondamentale de Sid, c'est de n'être nulle part, bien qu'ancré dans sa Suisse natale, qu'il déteste, et de n'être rien. Il est une errance géographique et morale qui suit le cours des vents qui le portent sans trop chercher à intervenir. Il absorbe les idéologies (toutes, et les plus opposées qu'il va assumer successivement) et les engouements des autres sans se poser la question du Moi. 

Cet absence d'égo et ce retour aux sources forment un complet mélange assez déroutant, impression de ballotement accentué par le style propre de l'auteur qui alanguit une narration par un présent intemporel fait de phrases courtes et de choses simples, dont la finalité est de voir l'autre, symbolisé dans le roman par l'absente essentielle en Suisse : la mer :

« - Mais il n'est jamais trop tard.
- Pour voir la mer. »


Roman de l'absence, absence à soi et absence à son pays, absence à sa propre utopie, Le Silence des Abeilles est la recherche d'un ailleurs qui pourrait désengluer du réel quitte à faire taire ces abeilles, qui nourrissent mais enracinent l'homme aux soins de la ruche, et le prive de liberté. Daniel de Roulet offre finalement une belle déclaration d'amour à sa Suisse natale, la contre-déclaration d'une terre qu'on aime malgré tout ce qu'elle n'est pas, comme une tentative de désapprendre à vivre en elle.


Loïc Di Stefano

Daniel de Roulet, Le Silence des Abeilles, Buchet Chastel, août 2009, 240 pages, 17 euros

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