La malédiction d'Edgar J. Hoover, l'homme le plus puissant des Etats-Unis, par Marc Dugain

L'Amérique interdite

L'homme le plus puissant des Etats-Unis, qui a installé sa propre police par-dessus les gouvernements successifs et les angoisses nationales, J. Edgard Hoover, est un personnage hors normes. Discret, silencieux, dans l'ombre des puissants et des vaniteux, le chef historique du FBI est au centre de tous le secrets qui incendient l'Amérique, et le récit que donne Marc Dugain, par la voix de son second et fidèle Clyde Tolson, nous laisse entrevoir le sein des seins. 

Le fil conducteur de ce roman très maîtrisé — dont on ne regrettera que quelques lourdeurs et répétitions mais dont le style s'approche du polar politique — la surveillance des Kennedy par Hoover et Tolson, qui sont « un peu les historiographes de la famille », trace le parcours de la vie politique américaine de 1924 à 1972, un demi siècle de pouvoir et de secrets d'Etat. C'est la haine de Hoover pour les Kennedy, pour ce qu'ils représentent d'immoral et de malsain, qui pousse l'investigation toujours plus avant dans les affaires personnelles (JFK est passablement éreinté pour ses vices et ses défaillance sexuelles) qui nourrissent de plus en plus de dossiers. Les grands moments de l'histoire contemporaine américaine sont ainsi vus de l'autre côté, sans naïveté outrancière, les meurtres de John et de Robert aussi bien que celle de Marylin (tuée par les Kennedy), la montée en puissane de Nixon et sa chute grossière, le marcarthisme et les gens d'Hollywood vendus  à l'anti-communisme primaire (dont un jeune  cowboy sans talent,  Reagan...), l'affaire des missiles cubains et la vie de la Mafia. De quoi nourrir les lecteurs d'Ellroy...

Mais de l'ombre émerge la figure attachante bien qu'absolument repoussante de cet homme froid, calculateur, impittoyable que fut Hoover, qui n'agit qu'en vertu d'un pouvoir qu'il se reconnaît de mener le destin moral de l'Amérique ! Son personnage est attachant, il conquiert petit à petit sa place d'homme dans les souvenirs de celui qui fut son assistant et, apprend-on in fine malgré les dénégations de tout le livre, son amant. 

Marc Dugain réussit à donner à la fois une image attachante et cruelle de son monstre, Hoover, dans un roman qui se lit comme une fable des temps modernes, fable noire s'il en est. Noir comme la nevrose obsessionnelle de Hoover, comme l'accumulation de bassesses politiques et morales pour mettre en place un ordre moral, justement, qui soit un drap de lin blanc sur l'Amérique. 

Hoover est un grand personnage de fiction et Marc Dugain a su donner sa juste mesure.

Loïc Di Stefano 

Marc Dugain, La Malédiction d'Edgar, Gallimard, mars 2005, 332 pages, 19,90 euros

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