Myra Eljundir, islandaise masquée, nous dit pourquoi c'est si bon d'être mauvais, à propos de son roman Kaleb

volcan islandais en éruption




















À l'occasion de la parution de Kaleb, roman étiqueté "pour adolescents" mais dont la violence et le sujet même en font un ouvrage tout public (averti, quand même) rencontre avec l'auteur qui se cache derrière Myra Eljundir ! 


Puisque votre éditeur lui-même vous a présenté comme « un auteur et scénariste francophone de talent », pourquoi prendre un pseudonyme ? Ne valait-il pas mieux ne rien dire de votre activité ?


Myra Eljundir. Il en a déjà trop dit à mon goût. Je n'ai pas envie d'être mise en avant, déjà parce que je me sens plus libre dans l'anonymat... Et puis, parce que je préfère que l'histoire parle directement aux gens, que mes personnages les touchent, les fascinent ou les révulsent. Et rester le marionnettiste dont l'ombre est le refuge. 


Votre personnage, Kaleb, est constamment entre le bien et le mal, entre l'enfant et l'adulte. C'était important d'avoir un personnage à la croisée des chemins, qui pouvait basculer ?


Myra Eljundir. Important ? Je ne sais pas. Non, je ne conçois pas mes personnages dans le calcul. Ils naissent à moi et se dévoilent sans que je cherche à les contrôler. Peut-être Kaleb est-il un archétype, celui de l'homme en quête de lui même, tiraillé entre ses pulsions et ce que son éducation, la morale lui conseillent... On attribue plus volontiers cette recherche de soi aux adolescents, mais a-t-on jamais fini de le faire ? La vie est une succession de choix et de renoncements, et rien ne nous garantit jamais de prendre la bonne direction ni ne nous empêche de basculer, comme vous dîtes...


Pour un roman « ado », Kaleb est quand même très violent, non pas forcément dans le détail de l'écriture (et encore) mais au moins dans l'esprit. Vous n'avez pas peur de choquer ? Même si l'éditeur prévient « déconseillé aux âmes sensibles et aux moins de 15 ans » ?


Myra Eljundir.  En fait, Kaleb n'est pas un roman « ado » mais « young adults »(c'est à dire de 15 ans à >100!) , et bien que je n'aime pas les étiquettes, celle-ci a au moins le mérite de poser un avertissement explicite et justifié... Alors oui, Kaleb est loin d'être un enfant de choeur... et non, je n'ai pas peur de choquer. Si j'avais peur, je risquerais de me censurer et je préfèrerais arrêter d' écrire, parce que je perdrais alors de ma sincérité et qu'à mon sens, écrire, c'est s'exposer, pas se travestir.


N'est-ce pas justement contraire avec votre désir de rester anonyme ? 


Myra Eljundir. Se cacher n'est pas se travestir ! Et puis si je tais mon nom, je n'en ai pas moins de background ou personnalité pour autant. Et c'est cette personnalité que je refuse de trahir en me censurant.


La mythologie islandaise est pour partie à la base de l'intrigue. Bien sûr, c'est romancé, mais quelle part de réécriture de la légende dans votre roman ?


Myra Eljundir. Tout dépend de quelle légende vous parlez... Il y a plusieurs éléments du passé dans Kaleb. Des faits historiques, tels que la grande peste de Londres, qui sont repris scrupuleusement en y ajoutant quelques éléments romanesques, notamment en y introduisant des personnages qui permettent de les appréhender sous un angle nouveau... et puis il y a en effet toute une mythologie, celle des enfants du volcan, que nous n'avons fait qu'effleurer dans le premier tome. Cette mythologie, si je me suis nourrie d'autres (grecque, nordique, indienne...), est une pure création de mon esprit... enfin je crois, mais il est vrai qu'un auteur est une sorte de médium... alors qui sait ?


Il y a du roman initiatique, de l'amour, de la violence, manque plus que le vampire. C'est un livre à la mode ?


Myra Eljundir. L'auteur est toujours un peu « vampire », vous savez ! 


Plus sérieusement, si Kaleb était à la mode, je pense qu'il serait très consensuel et ce n'est pas le cas. En revanche, je pense qu'il est très contemporain tant dans le fond que la forme. Dans la forme, parce que le style est direct, brut, loin des tournures ampoulées de certains romans jeunesse. Ici, on ne prend pas les lecteurs pour des idiots à ménager. Dans le fond aussi, parce qu'il creuse des thèmes tels que les rapports parents-enfants, la difficulté de maîtriser ses pulsions dans une société qu'on trouve fausse, où on a du mal à trouver sa place, la solitude... Kaleb est un livre à double lecture et qui embarque le lecteur à cent à l'heure dans un univers à la fois fantastique et terriblement ancré dans le réel !



Propos recueillis par Loïc Di Stefano

juillet 2012



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