"L’Envers des autres" de Kaouther Adimi, premier roman paru initialement en Algérie en juin 2010

Premier roman paru en Algérie, chez Barakh, en juin 2010, sous le titre Des ballerines de papicha. Un carrousel détonnant que ces portraits. Les membres d’une famille sont passés au crible. Avec quelques voisins ou amis. Une photographie d’un quartier. Une radiographie de cette vie algérienne qui se déchire entre traditions et modernité. Il n’est pas facile d’être une fille à Alger et d’avoir 25 ans. Surtout quand on habite l’un de ces immeubles qui siègent au cœur de la capitale. Un drôle d’endroit pour vivre. Plutôt une zone neutre. Un lieu d’échouage. Bateau qui tangue. Tenu par la mère, veuve. Qui voit arriver l’aînée, Sarah, revenue au port avec fille et mari sur les bras. Il aurait perdu la raison... 


Elle passe alors ses journées avec son mouchoir en soie. À regarder par la fenêtre ou à peindre... Adel et Yasmine sont encore là, eux. Mais s’ils s’aiment toujours ils ne se parlent plus. Lui étouffé par son secret. Elle irradiée par sa beauté qui fait jaser, sa liberté qui indispose, et sa lucidité qui met mal à l’aise. Elle serait presque étrangère en son pays. Presque ?


Finalement, le vrai sujet, c’est l’Algérie. Comme point d’orgue de l’actualité. Toujours cette cocotte minute qui bout et qui va bien finir par exploser. Comme la Tunisie, l’Egypte, la Libye.... La jeunesse a soif d’avenir. De liberté. Or l’Algérie est devenu un pays que l’on quitte plus qu’on ne l’aime. Paradoxe. La faute à ces militaires corrompus et despotiques qui ont confisqué la révolution. L’argent du pétrole et du gaz ne profite pas au peuple.


Sensible, sombre et violent, ce premier roman d’une jeune femme née en 1986 à Alger, ausculte la société algérienne d’aujourd’hui. Elle dit ses souffrances et ses espoirs. Elle ouvre d’autres perspectives et tend un miroir à multiple facettes. Qu’y voit-on ? La triste condition humaine actuelle et l’extrême solitude des êtres qui composent les sociétés civiles d’Afrique du nord... 


Le sentiment d’absence à soi-même est l’unique dénominateur commun d’individus qui se côtoient sans jamais se voir. Demeurent les rêves. Mais l’insoutenable légèreté de l’être reste tapit dans les rêves des enfants. Et parvient, au mieux, à se matérialiser dans des ballerines de toile. Rarement dans des actes fédérateurs.


Annabelle Hautecontre


Kaouther Adimi, L’Envers des autres, Actes Sud, mai 2011, 107 p.- 13,80 €    

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.