"La Délicatesse" des "Chaussures italiennes"

De mauvaise grâce et avant d’aller voir le film La Délicatesse, j’ai voulu lire le livre que j’avais laissé de côté sur une pile depuis mal de temps, comme beaucoup de bouquins trop chroniqués qui m’ôtent toute envie de lire ce dont j’ai eu les oreilles rebattues, car enfin, quoi de plus beau dans la lecture que l’étonnement, l’impression de débarquer en terre inconnue, d’être seul à la dénicher… J’aime ouvrir un livre un peu comme j’aime marcher le matin très tôt sur une plage vierge de toute empreinte et non saccagée de milliers de traces de pas. C’est bien là toute la subtilité de l’art si difficile de la critique littéraire : dire sans dire, susciter le désir sans trop vanter, ou même faire partager son déplaisir sans pour autant dégoûter. Et trop souvent, dans le cas des engouements, les chroniqueurs déflorent le livre et me coupent l’appétit.

 

Bref ! Je voulais lire le livre avant, puisqu’un film dénature toujours l’ouvrage dont il s’inspire, pire, fout en l’air la magie de l’imaginaire, car comment faire pour donner aux personnages du livre le visage que les mots de l’écrivain vous évoquent, à vous seul, après que le cinéaste a décidé pour vous au moment du casting…


Donc, je décide de lire La Délicatesse de David Foenkinos, récompensé dix fois et traduit dans une vingtaine de langues…


Patratas ! Le livre me tombe des mains dès la vingtième page, je m’ennuie c’est horrible, j’ai l’impression de lire un Delly… Je n’y  trouve pas de voix singulière, pas de style particulier, ni rythme d’aucune sorte, c’est comme l’encéphalogramme du défunt mari de Nathalie : le calme plat ! Je reprends ma lecture malgré tout et m’oblige à aller jusqu’à l’épilogue, puisque ce livre à récolté moult distinctions (voilà bien un truc pourtant que je ne fais jamais, lire « obligée »), mais rien… Je m’ennuie toujours autant. Certes, l’histoire est gentille et jolie, donc, délicate, dans ce monde de brutes, voilà, oui, c’est lénifiant et gentiment doux. Pour autant je ne comprends pas pourquoi cela a fait un tel tabac, et je n’ai plus du tout envie d’aller voir le film.

 

Comme je n’aime pas rester sur une lecture qui m’a laissée de marbre, j’ai pris sur la pile des livres non lus, le livre suivant, Les Chaussures italiennes de Henning Mankell. N’ayant aucun talent de chroniqueuse littéraire, je ne vous dirai rien d’autres des Chaussures Italiennes que ceci : ce livre est à lui seul 373 pages de délicatesse, de chaude émotion malgré les températures glaciales de l’île, d’amour  emmitouflé par le temps qui passe, de pudeurs parfois impudiques, de solitude habitée, de violence et de douceur, de fêlures et de reconstructions, de tergiversations qui durent des vies, de  joies et de renaissances même au bord de la mort. Des chaussures que l’on garde toute une vie au bout des pieds.

 

Anne Bert

 

David Foenkinos, La Délicatesse, Gallimard, coll. « Folio », janvier 2011 (première parution : août 2009), 209 p., 6,50 €

Henning Mankell, Les Chaussures italiennes, Points, février 2011 (première parution : octobre 2009, 384 p., 7,60 €

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Oui, "Les chaussures italiennes" est un livre rare, marquant, toute en délicatesse. L'art de raconter des choses infimes et pourtant essentielles... Henning Mankell est un auteur suédois très réputé dans son pays, à découvrir ou redécouvrir...