Du baroque au thriller, de l’humour au fantastique, Magnan se joue de nous avec "Chronique d’un château hanté"

Le dernier roman de Pierre Magnan nous emporte dans un tourbillon historique. Voyage en Haute Provence, février 1349. Un rat - qui n’a rien de Ratatouille - s’oublie dans le chaudron d’une daube. Les festivités de Mardi Gras battent leur plein. Mais c’est la peste noire qui est l’invitée surprise. Manosque sombre alors dans l’horreur.
Tout débuta au détour d’un chemin. Lorsque Pierre Magnan rencontra l’arbre. Pas n’importe lequel. Un arbre planté vers 1350. Six cents ans et toutes ses ramures. Un arbre que notre romancier a transplanté au château de Gaussan. Un prétexte pour nous écrire cette chronique. Magnan qui nous a avoué n’être qu’un artisan. Un peintre en écriture. Bien loin des psychologues parisiens qui scrutent les nombrils. Mais pour notre plus vif plaisir, il sait raconter les histoires. S’il ne décrit pas les tréfonds de l’âme humaine, il possède à tout le moins un vocabulaire. Que bien des pédants de Paris lui envient. Tel Breughel l’Ancien, Magnan esquisse son sujet.
Moi je ne suis qu’un témoin, nous a-t-il dit. Il se joue aussi de l’Histoire pour mieux nous envoûter. Et, avoua-t-il, Aussi me suis-je fait une histoire particulière qui me convient mieux que la vraie. Et quelle histoire !


Nous suivrons alors Poverello Lombroso qui vint sur les remparts de Manosque à la recherche de la mort. Peintre du prince de Mantoue, il butait sur une fresque. Il avait besoin de visages terrifiés pour peintre l’Enfer. Sachant ce qui se passait en Provence, il défia la faucheuse pour noircir ses carnets de croquis. Ce cavalier trop bien vêtu se régala de tant d’horreur. L’église de San Donatello aurait une Descente aux enfers digne de ce nom !


D’autre part, le couvent des Clarisses voit en pleine nuit une procession de nones le quitter. Le maître des Hospitaliers leur confie son secret avant de mourir. Elles poussent un étrange équipage. Sous une bâche scellée une forme attire l’attention. Elles iront la cacher dans la crypte de leur monastère. Puis seront massacrées
Deux ans plus tard, Savorin de Valsaintes, nouveau commandeur des Hospitaliers, prend le chemin de Mane. Il vient récupérer le trésor de sa confrérie. Accueilli par la nouvelle abbesse du haut de ses seize printemps, il en tombe amoureux. Mais cette jouvencelle ne commettra pas le péché de chair. Elle ne succombera point. Et préférera l’assassiner. Devant Dieu, la mort n’est rien si elle permet de conserver sa promesse. Elle plantera sur la tombe du malheureux, toute proche de la crypte, un chêne majestueux.


C'est en quelque sorte l’histoire de cet arbre que nous allons vivre. Et celle de ce trésor inestimable quoique sans valeur. Du XVIe siècle à nos jours, les générations vont se succéder. La Provence va se raconter au fil des tribulations familiales. Plongeant le lecteur dans un jeu de cache-cache. Du baroque au thriller, de l’humour au fantastique, Magnan se joue de nous. Et si, comme moi, vous aimez la richesse de notre vocabulaire, vous serez servis. La subtilité du mot juste vous accompagne. En cette musique : fricot, gonfalonier, lucre, carme, ribaude, saturnale, simonie...

Le français ainsi ciselé est une parure enchâssée entre pages imprimées. Un bijou, en somme...


Annabelle Hautecontre


Pierre Magnan, Chronique d’un château hanté, Denoël, avril 2008, 425 p. - 22,00 € 

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