Cherchez l’horreur avec Gilles Sebhan et sa "Fête des pères" à oublier très vite

Il y a des livres qu’il faudrait mieux ne jamais lire. Mieux, n’avoir jamais écrits. A moins de ne les confier qu’à son carnet intime. Ou à son psychiatre. A n’en pas douter Gilles Sebhan avait quelque chose sur le cœur. Mais devait-il nous en faire part ? Eternelle question qu’il faut bien trancher quand cela relève de vos prérogatives. Alors je dis non. Non ce livre n’aurait pas dû. Etre publié. Etre mis en vitrine. Donc être à la disposition de tous. Tout comme je n’avais pas supporté Momo qui kills en son temps. Je ne supporte pas cette apologie du crime. Cette ode à l’extrême violence. Cette pantomime autour d’un tueur en série. Quoi qu’il en soit de son passé. Quoi qu’il en soit de son histoire. Il est des choses qui ne relèvent pas de la littérature. Même si l’écriture est intense. Même si le récit est parfois hypnotique. Et justement. Car il est hypnotique. Car il fait ressortir en nous cette infâme bassesse qui y dort. Au fond de chacun. Que le narrateur se soit fait violer dans son enfance. Et qu’il se venge en sodomisant ses victimes avant de les découper. Voire de les empaler avec un objet de sa composition qui déchire et découpe les viscères. Non cela n’a aucune éthique.


Mes détracteurs diront que la trajectoire meurtrière doit avoir un sens. Une origine. Qu’un lien existe entre ces crimes et la visite du père du narrateur. Qu’une vérité se dévoile peu à peu dans ce voyage nocturne qui mène le tueur au Caire. Que le retour des souvenirs enfouis et l’invention de traumatismes dont le meurtrier s’affuble sont autant d’identités que le lecteur doit découvrir. Que les rencontres (le joueur de debouka, l’enfant voleur, le trio infernal) révèlent les raisons de ces crimes... Et le final, ce secret d’enfance qui serait à l’origine du mal. 

Oui, certes ; mais l’improvisation du tueur dans la mise en scène de ses crimes ne reflète en rien un état du monde ou une manière de penser le quotidien, comme le présente l’éditeur. Sinon je n’oserais plus sortir de chez moi.


Cet autoportrait d’un monstre est à classer dans les livres de genre. Pour spécialistes ou attardés ou monstres en devenir ? Quel plaisir à lire ces horreurs, s’il vous plaît, que quelqu’un me le dise un jour. Cette fêlure contemporaine qui est notre pain de tous les jours n’est - fort heureusement ! - pas si alarmante. 

Alors, faire de la littérature pour faire de la littérature. Pourquoi pas ? Mais diantre, choisissez un autre sujet la prochaine fois monsieur Sebhan, de grâce...


Annabelle Hautecontre


Gilles Sebhan, Fête des pères, Denoël, janvier 2009, 139 p. - 15,00 € 

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