Denis Baldwin-Benich, "Le Sérieux des nuages" : humour yiddish garanti

Humour yiddish garanti. C’est un roman drôle, voire désopilant. Il retourne tel un gant ce qui noue d’habitude. Cette peur d’aller de l’avant. Cet exil intérieur auquel on ne peut échapper. C’est un roman insolent. Ce qui ne veut pas dire que c’est de la mauvaise littérature. J’entends déjà certains gardiens du temple dresser l’oreille... Qu’ils se rendorment, ce n’est pas ici qu’ils pourront exercer leur talent. Beneich ne rime pas avec Musso !


Alors, de quoi s’agit-il ?
Convoqué par une vieille amie d’enfance, une certaine Diane, notre héros, Maxime, traverse l’Atlantique pour l’Oise. Adieu exil américain. Mais c’est aussi une bonne manière d’oublier qu’il va devoir bientôt fêter ses cinquante printemps... Il accepte donc. Il vient aussi car c’est Malauzet. Leur ancien professeur de philosophie dont l’enseignement a laissé son empreinte. C’est lui qui doit être honoré. Une fête ne se refuse pas. L’idée des retrouvailles aussi. Car revoir Diane c’est aussi replonger dans les émois de l’adolescence. Cette jeunesse décadente qui l’a marqué. Revoir Paris et c’est aussi l’impression d’avoir perdu son temps. Et ses amours. Swann n’étant plus, exit Proust mais l’idée demeure. La mélancolie a parfois des habits rigolos...


Cette réunion des anciens a aussi un drôle d’arrière goût. Ce serait plutôt le chant du cygne qu’une franche rigolade. Cela sent le réchauffé. Et pourtant.

À courir après le temps on arrive aussi à tuer l’amour. Marthe apparaît comme dans un retour en arrière trop rapide. Le bouton reste enfoncé et la machine s’emballe. Les sens s’affolent. Il s’embrase. Elle reste digne. Mais est-elle indifférente ou simplement amnésique ?
Les femmes sont de grandes actrices...


Peut-on remettre le compteur de l’amour à zéro ? Maxime aura-t-il l’audace de s’amender ? Pourra-t-il séduire l’ancienne étudiante de nouveau ? Elle si lâchement abandonnée... Le mythe de la seconde chance est ici décortiquée dans toutes ses possibilités. C’est grinçant. C’est juste. On sourit souvent. On frisonne parfois... 

Est-on plus amoureux quand on est plus mature ? Ou joue-t-on simplement mieux la comédie ? Vous le saurez à la toute dernière ligne. Humour yiddish oblige...


Annabelle Hautecontre


Denis Baldwin-Benich, Le Sérieux des nuages Actes Sud , "Domaine français", janvier 2010, 264 p. - 20,00 €    

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