Paul Auster règle ses comptes avec "Sunset Park"

La littérature étrangère est soumise au chinois du traducteur. Un tamis si fin qu’il ne laisse passer aucune approximation. Mais il détourne forcément un peu de l’âme de l’écrivain. Traduire c’est trahir. Pierre Furlan est rappelé en renfort. Christine Le Bœuf étant sur le tapuscrit de madame Auster, Siri Hustvedt. Furlan est le tout premier traducteur d’Auster. Celui de la fameuse Trilogie newyorkaise... Mais avant lui, il y avait eu Françoise de Laroque. Du temps de ses poèmes publiés par les éditions Unes. Une petite maison sise à Draguignan, dans le Var, qui imprimait de petits livres. Superbes. 


Rappeler Furlan n’aura donc pas suffit. On est loin, très loin du grand Auster. Non que cela soit mal écrit, mais surtout l’on s’ennuie ferme. On se demande pourquoi user de ces listes interminables de noms, comme s’il voulait noircir de la page à tout prix. Certains personnages sont attachants dans leur dérive. Mais c’est brouillon. Pourtant cela part bien. Miles Heller tue le temps en Floride en vidant les maisons abandonnées. La crise des prêts à taux variable n’y est pas étrangère. Il vit avec une lycéenne. Et tente d’oublier qu’il a tué son demi-frère dans un geste idiot. Il subit le racket de la grande sœur. Et doit fuir avant qu’elle ne le dénonce à la police. Six mois à New York pour attendre que Pilar soit majeure. Il ira s’installer à Sunset Park, dans un squat. Il y retrouvera son ami d’enfance. Celui qui fait encore le lien avec son père et sa mère. Séparés mais miraculeusement à New York en même temps. Lui, éditeur de renom, revenu en ville pour enterrer la fille d’un de ses auteurs. Elle venue de Californie pour jouer une pièce de théâtre. 


Tout cela s’emmêle les fils. On tente de parler du rêve américain. Comme s’il avait été brisé le 11-Septembre. Alors qu’il est bien mort depuis des lustres. Il semblerait que Paul Auster ait voulu régler ses comptes. Avec le monde de l’édition. Celui de la finance. Celui du conflit inter-générationnel, etc. Bref, c’est brouillon et c’est énervant. On est très déçu de ne pas parvenir à se laisser happer par l’histoire. Le temps défile et on regrette les émotions ressenties à la lecture du précédent, Invisible. Dommage...


Annabelle Hautecontre


Paul Auster, Sunset Park, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pierre Furlan, coll. "lettres anglo-américaines", Actes Sud, septembre 2011, 316 p. - 22,00 €    

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1 commentaire

je trouve ce jugement un peu sévère, Sunset Park est le roman de la désillusion, des aventures d'une jeunesse perdue et de la fin de toute forme de rêverie possible face aux règles d'un monde qui se durcit, qui se déshumanise. Le 11-09 est là pour marquer le point central de cette déshumanisation, le moment à partir duquel, comme les tours, les rêves s'effondrent. 


Paul Auster tisse avec beaucoup de métier des liens entre ses personnages, chacun attachant par ailleurs, et fait de la masure un actant essentiel car signe aussi du monde de la liberté, du monde d'avant le tout législatif, du monde où il était possible de s'installer dans un endroit abandonner sans que ça ne dérange personne.

Je ne crois pas qu'il ai le moindre compte à régler, il donne sa vision désenchantée du monde, voilà tout. 

Mais ceci n'est que l'avis d'un lecteur assidu de Paul Auster...