Franck Maubert, "Le dernier modèle" ou le chant du cygne...
Caroline s’ennuie au dernier étage d’un immeuble d’après-guerre, sur la promenade des Anglais, à Nice. Son balcon est laissé à l’abandon, seule la cage ouverte attire l’œil, les oiseaux entrent et sortent librement ; en contrebas les premiers flots de touristes se meuvent déjà dans un tourbillon que le soleil d’avril a attirés. Caroline est une vieille dame digne qui accepte la visite d’un inconnu, un critique d’art qui s’est arrêté sur un portrait de Giacometti et qui veut remonter le temps, emplir certains blancs, déjouer les étiquettes que l’on s’est complu à lui coller...
Drôle de roman qui s’efface derrière un style atone qui pourrait en faire un simple récit, un recueil de souvenirs si la patte du peintre ne venait s’inviter, comme si son âme éternelle avait décidé de passer nous voir, clin d’œil subliminal du maître dans la trame inséré, alors ce petit livre prend de l’épaisseur, chaque mot renvoie à une image. On revit ces moments d’intimité entre l’un des tout premiers artistes du 20ème siècle et une fille de petite vertu qui illumina ses dernières années. Car l’amour n’a que faire des conventions et la nuit est à boire jusqu’à sa dernière heure : jusqu’au bout très exactement, ces deux-là ne cesseront jamais de s’aimer, de se soutenir, de partager. Et rien ne pourra contrarier cette passion, ni Annette l’épouse, ni Diego le frère, ni le souteneur venu soutirer billets et lingots au sculpteur...
Ni la maladie qui emportera la Grisaille, comme elle l’appelait avec un infini respect et un trémolo dans la voix...
Étrange voyage dans le temps que cette (trop) courte plongée dans le monde de l’art et de l’amour fou. Poignant.
François Xavier
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